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Du 28 octobre au 25 novembre, le Perspective Playground investit le Palais de Tokyo. Un événement conceptuel organisé par la célèbre marque d’appareils photo Olympus, en association avec plusieurs artistes internationaux. Ces derniers y dévoilent leur vision de l’optique à travers des œuvres insolites aux points de vue aussi éclectiques qu’oniriques (souvenez-vous, on vous en parlait ici). A travers trois de ces œuvres, nous y avons découvert trois artistes à suivre, qui méritent à eux seuls de visiter cette exposition. Les voici :
‘Insideout’ de Leigh Sachwitz : un toit sur la tête
Seule au milieu d’une grande pièce sombre, se dresse une petite cabane baignée de lumière blanche, spectrale. Au premier coup d’œil, ce logis à l’aspect fantomatique inspire la crainte et on ose à peine s’en approcher. Puis, un coup de tonnerre retentit, le son de gouttes de pluie se fait entendre, et l’inquiétante maisonnette se transforme en un gîte accueillant. On s’y réfugie prestement pour se blottir dans un coin, et écouter à l'abri les éléments se déchaîner au-dehors. Par un savant jeu de son et lumière, des rétroprojecteurs recréent l’intensité d’une averse martelant le toit ou la puissance du vent léchant les murs nus, tendus de gaze. L’ensemble est si réaliste qu’on se trouve véritablement rassuré d’être rentré se mettre à l’abri. Soudain, au plus fort de la tempête, les cloisons protectrices disparaissent, nous laissant apeurés, livrés aux forces de la Nature. Une sensation de dépouillement total qui fait ensuite place à la béatitude lorsque le soleil levant, matérialisé par un faisceau orangé courant tout le long de la maisonnée, reparaît enfin.
Avec cette habile mise en scène et les contrastes du clair-obscur, l’artiste écossaise Leigh Sachwitz et le musicien Andi Toma (qui signe la bande-son de ‘Insideout’) déconcertent le visiteur. En faisant tomber les barrières de l’espace qui constituaient un havre de paix dans la tourmente, ils démontrent également qu’un lieu n’offre pas la même impression suivant la façon dont on l'investit, de l'intérieur ou de l'extérieur. Une expérience étonnante qui nous rappelle aussi qu’on n’est jamais mieux que chez soi, surtout quand il pleut.
'Insideout' de Leigh Sachwitz © diephotodesigner.de
‘Into the Eye’, le trompe-l’œil de Martin Butler
De prime abord, ce n’est qu’un gros cube noir sur lequel est peint un œil blanc. Mais lorsque l’on observe au travers de sa pupille, on découvre une pièce bizarroïde qui déforme les perspectives. Inspirée de l’ingénieux mécanisme de la ‘Chambre d'Ames’, imaginée par l'ophtalmologiste américain Adelbert Ames Jr en 1946, l’œuvre du britannique Martin Butler s’amuse des illusions d’optique. Ainsi, deux personnes de même taille installées chacune à un coin de la pièce ne sembleront pas au même niveau, l’une paraissant plus éloignée que l’autre. Une supercherie visuelle dévoilée à ceux qui auront l’audace de se déchausser pour « entrer dans l’œil ». Ils y découvriront un sol en damier penché dupant la profondeur et des murs recouverts de peintures vives surréalistes et de miroirs biscornus. Ce décor aux allures de Pays des Merveilles abusera donc la prunelle de n’importe quel Alice, intention avouée de Martin Butler, adepte des performances artistiques décalées.
'Into the Eye' de Martin Butler © C. Gaillard
L’hallucinante géométrie de ‘Hallucinogen’ par Maser
Oscillant entre art et design, l’artiste urbain Maser – dont le nom fait référence à l’ancêtre du laser – aime transcender la réalité. Par conséquent, ‘Hallucinogen’ ne fait pas exception à la règle avec ses formes géométriques et ses couleurs extravagantes. Réalisée spécialement pour le Perspective Playground, cette imposante structure graphique en bois bariolé serait l’allégorie d’une grotte marine dans laquelle Maser se serait baigné pendant ses vacances en Grèce. Le bouquet de néons halogènes pendant à l’embouchure symboliserait d’ailleurs les stalactites qui en tapissaient la voûte.
A l’intérieur de cette excavation revisitée, on se sent comme écrasé, oppressé par l’effusion de couleurs et les parois qui se resserrent au fur et à mesure que l’on avance. Exactement comme un nageur pris entre l’eau et la roche. Toutefois, on reste fasciné en contemplant l’installation, réinterprétation baroque d’un lieu où les perspectives ne semblent plus respectées. « L’espace, la profondeur et le temps étaient altérés à cause de l’environnement fermé, des rochers et du niveau de l’eau », se remémore le plasticien irlandais. Une sensation singulière qu’il nous fait donc expérimenter en technicolor.
'Hallucinogen' de Maser © C. Gaillard