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Aujourd'hui, il est désormais socialement acceptable de chanter mal devant tout le monde des tubes ringards. A l'ère du télé-crochet généralisé à la télévision, il était finalement logique que chacun finît par défier les plus grands chanteurs, micro à la main, cocktail dans l'autre. Certains croient d'ailleurs dur comme fer y jouer une potentielle carrière dans le vedettariat, tandis que d'autres s'amusent simplement à pousser la chansonnette sans souci du lendemain.
De la même façon qu'il existe plusieurs types d'amateurs de karaoké, il existe différents types de karaokés. Voici une petite typologie que nous avons réalisée à partir d'un échantillon éclectique. Du karaoké parisien à l'ancienne, froid et touristique, au karaoké branché à la japonaise, en passant par l'ambiance survolté du Chinatown de Belleville, vous trouverez sans doute l'endroit idéal pour chanter "Envole-moi" ou "My Heart Will Go On" et laisser tomber votre micro par terre comme un boss.
1. L'EPOQUE : la déglingue
Accueil lamentable, prix exorbitants (9,50 € la pinte dans un rade, ça fait toujours plaisir), ambiance de merde, on ne peut pas dire que L'Epoque à Pigalle soit le karaoké de rêve du Parisien. Pourtant, cette rudesse correspond finalement assez bien à la tradition parisienne de bienvenue, un truc sans chichis et gratos qui a trouvé son public, lequel vient parfois de lointaine banlieue pour entonner "Les Lacs du Connemara". Cette ambiance beauf passive-agressive a d'ailleurs séduit l'excellent chroniqueur foot Julien Cazarre, qui avoue dans So Foot faire un tour là-bas chaque dimanche après l'émission "J+1" : « Vers 2h du mat, on se tire place Pigalle dans un karaoké, L’Epoque, et on se finit jusqu’à sept heures du matin. On ne se met pas des grosses mines, on picole, forcément, mais c’est plus l’idée de se marrer en finissant comme des gros beaufs à chanter des chansons de merde dans un karaoké. »
2. LE KOBA : le Nippon ni mauvais
Les critiques en ligne de ce resto japonais du quartier de l'Opéra rendraient schizophrénique le plus buté des ânes. Patron génial ou détestable ? Super sushis et poisson frais ou nourriture infâme ? Foutage de gueule ou japonais authentique ? Rarement un resto aura autant divisé la communauté Tripadvisor, même si Koba semble avoir clairement perdu de sa superbe. Reste que son véritable karaoké asiatique continue d'attirer les passionnés dans les quelques salles à l'arrache en sous-sol, où l'on chante devant une TV pour 10 € de l'heure à côté des cafards. Mais le vrai scandale est ailleurs : alors que Britney n'a droit qu'à trois ou quatre tubes – indignez-vous –, Bon Jovi occupe une page et demie !
3. LE CHINATOWN BELLEVILLE : la fête
Mieux que chanter dans un karaoké ? Le faire dans un resto. Le Chinatown est une institution à Belleville, comme Edith Piaf, les graffitis de la rue Dénoyez ou le belvédère du parc. Ici on ne vient donc pas pour l’assiette – soyons clair – mais pour déguster son heure de gloire sur une petite estrade, armé d'un micro et face caméra, son image ainsi relayée sur des télévisions dans les deux immenses salles du restaurant. Le Chinatown étale son luxe kitschissime sur d'immenses tablées qui le rendent surtout pratique pour venir en groupe manger deux raviolis dégueu et chanter des centaines de chansons rigolotes dans une excellente ambiance.
4. LE BAM KARAOKE BOX : la coolitude
C'est triste à dire, mais il n'y a pas grand-chose à critiquer chez BAM karaoké Box. C'est un peu le premier de la classe du karaoké : les salles privatives y sont nickel, l'accueil est très sympa, le choix des chansons vaste, les canapés cosy - on a même le droit de sauter sur les coussins. Il est possible de faire soi-même ses cocktails avec l'aide d'un bartender et les tapas proviennent d'une épicerie fine réputée... On cherche, mais on ne trouve toujours pas de défaut dans la cuirasse. Le prix (entre 10 et 20 € par personne) n'est pas rédhibitoire, les playlists sont intéressantes, les gens sont beaux, la musique est bonne, les carottes sont cuites.
5. LA NOCHE : le noctambule
L'entre-deux, le médian, le compromis. Voici d'autres termes qui pourraient désigner ce karaoké sympatoche qui ne ferme qu'à 5h du matin durant le week-end. Petite cave, entrée à 15 € quand même, ambiance sans pression, la Noche possède quelques atouts dans sa manche. Certains jours, la foule s'y presse tellement qu'il devient en revanche impossible de récupérer le micro et la soirée se transforme alors en lente agonie à l'écoute de Michel Sardou, Claude François et George Michael, beuglés par des groupes méchamment avinés. C'est plus Noche, c'est moche.