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Ce n’est plus vraiment la fête au Centre Pompidou : l’établissement, qui célébrait ses 40 ans en février, fait aujourd’hui face à un mouvement de grève de ses agents, dont le statut salarial est remis en cause.
Les visiteurs qui souhaitaient admirer les clichés de Josef Koudelka, découvrir les peintures de Cy Twombly ou occuper les enfants en vacances de Pâques avec les ateliers de La Fabrique seront déçus de trouver portes closes. Depuis lundi 27 mars, le Centre Pompidou est en effet à l’arrêt suite à une grève de ses agents d’accueil, de surveillance et de sécurité, ainsi que de quelques agents administratifs.
Répondant à l’appel des syndicats FO et Unsa, ceux-ci s’indignent d’une décision prise par le ministère de la Culture. En application de la loi de déontologie d’avril 2016, les 1 200 employés du musée devront abandonner leur statut de contractuels, en place depuis la création du Centre Pompidou, au profit de celui de fonctionnaires. Une nouvelle titularisation qui s’accompagnerait d'une perte de salaire allant de 20 à 30 %, mais également d’une remise en question de leurs acquis sociaux. Un coup dur et d’autant plus brutal que, comme le souligne Force Ouvrière dans un communiqué, « les personnels ont été mis devant le fait accompli, la direction du Centre ne les ayant informés que le 7 mars, alors que le décret d’application est prévu pour le 1er avril ».
Silence de la direction…
Devant la grogne de ses employés – un fait aussi rare que notable puisque la dernière grève qu’ait connu le Centre Pompidou date d’octobre 2006 –, la direction demeure étonnamment muette. Pas d’annonce ni de plaidoyer si ce n’est une mention discrète de sa fermeture sur les réseaux sociaux et un mot du porte-parole de la direction aux prémices du mouvement : « Six agents du pôle sécurité incendie étant grévistes, nous ne pouvons ouvrir le Centre. » Une petite phrase comme une pique lourde de sens pour cette agent en CDI qui préfère garder l’anonymat : « Ils nous dévalorisent pour tenter d’étouffer l’affaire, espérant que nos revendications s’essoufflent. Mais nous sommes loin d’être seulement six : c’est une centaine de grévistes qui participent aux AG [assemblées générales], auxquelles la direction ne vient d’ailleurs pas sous prétexte qu’elle ne souhaite pas s’immiscer dans notre espace de parole. »
Face à ce refus de dialoguer, les agents du Centre Pompidou ont été reçus au ministère de la Culture mais, là encore, les négociations n’ont pas abouti. En dernier recours, ils ont donc écrit à Matignon dans l’espoir de pouvoir, peut-être, faire entendre leur voix auprès du Premier ministre Bernard Cazeneuve. « Personne n’est contre une titularisation, il faut simplement que cela se fasse dans des conditions acceptables », ajoute notre interlocutrice gréviste. « Or, on nous propose ici une rétrogradation synonyme de précarité de l’emploi et des licenciements facilités avec des collègues en CDD depuis trois ans qui seront remerciés à la fin de leur contrat. Une façon de pousser au départ des postes qui seront remplacés par des fonctionnaires, comme nous le confirmaient lundi nos RH. »
… Mais soutien de grands noms
Dans un océan d’indifférence assez ubuesque, surtout à l’approche des élections présidentielles, le cri de détresse de ces employés a tout de même trouvé un écho auprès de Alain Seban, ancien président du Centre Pompidou et ex-conseiller d’Etat. Au travers d’un billet de blog dans les colonnes du Huffington Post, l’homme a apporté son soutien aux grévistes. « Je les connais […] Ils ne se battent pas pour eux-mêmes […], ils se battent pour l'institution qu'ils aiment et qu'ils veulent défendre », a-t-il affirmé. Avant d’ajouter que la particularité du Centre Pompidou résidait dans ce statut d’emplois contractuels, permettant d’embaucher « des compétences précisément adaptées aux profils de postes très spécifiques d'un grand musée d'art moderne et contemporain » comme un architecte de formation au service des collections d’architecture ou des conservateurs étrangers pour une ouverture plus internationale. Or, si « le personnel [était] géré, pour une large part, depuis l'administration centrale du ministère de la Culture, […] les besoins [du musée] seraient ignorés. »
En attendant une réaction des pouvoirs publics, les agents continuent de demander le report du décret. Et la nécessité de trouver un accord entre les parties devient, elle, de plus en plus pressante. Car, tandis qu’un dixième jour de grève s’engage, l’institution perd chaque jour 15 000 à 18 000 visiteurs (sans oublier ceux qui se rendent à la bibliothèque). Soit un manque à gagner de plusieurs dizaines de milliers d’euros de recettes pour l'un des établissements les plus visités de France. Problématique lorsqu’on sait que des travaux de rénovation et d’extension des espaces d’expositions du lieu s’avèrent urgents…