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Rencontre avec les Bordelais de Bootchy Temple, princes de la scène psychédélique

Rémi Morvan
Écrit par
Rémi Morvan
Journaliste, Time Out Paris
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Avec ‘Childish Bazar’, leur deuxième album sorti au début du mois chez Howlin Banana, les Bordelais de Bootchy Temple se placent directement au sommet de la scène psychédélique française. Interview de Martin (guitare et chant) et Sam (guitare et clavier), doux conteurs des temps modernes.

Dans l’imaginaire collectif, le rock psychédélique est sans doute le genre musical qui véhicule le plus de clichés. Les fans ont de longues chevelures, une pilosité foisonnante et une aversion récurrente pour l’hygiène. Mais surtout, ils auraient une lancinante tendance à la douce rêverie. Si l’on devait situer la musique des Bootchy Temple, elle répondrait davantage à ce dernier aspect.

Formé en 2012 à Bordeaux, le groupe s'est retrouvé autour de l'attirance commune de ses membres pour la scène psychédélique ; tant celle, chérie, des années 1960, que ses échos des années 1980 et 1990. Leur musique nous fait glisser dans une faille spatio-temporelle regorgeant de contes enfantins, eux-même truffés de double-sens hallucinogènes. Ils posent la question d’un monde parallèle tout en interrogeant le nôtre. Un entretien à déguster en savourant un cannelé sur un nuage arc-en-ciel. 

Time Out Paris : Votre nom semble truffé de références musicales. D’où vient-il ?

Martin : Au tout départ, c’est le refrain d’une chanson des Beach Boys. On trouvait que le terme « bootchy » était marrant. On a longtemps débattu pour savoir comment l’orthographier. Bootchy, c’est quelque chose d’un peu abstrait. Et Temple, ça permettait de mettre un culte sur de l’absurde. Ce qui est drôle, c’est que « bootchy », c’est un terme argotique qui désigne les prostituées aux gros seins en Inde !

Vous vous revendiquez de la scène Paisley Undergound. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur celle-ci ? En terme de sonorités, à quoi ça ressemble ?

M : Cette scène, c’est un revival des années 1980. Des mecs qui ont repris le son ainsi que les motifs psychédéliques des années 1960 mais en quittant les trips acides et les morceaux sans fin pour injecter des mélodies un peu plus romantiques, mélancoliques.

Sam : Tu vas aussi retrouver des grosses guitares style années 1980-1990. 

Quels en étaient les groupes phares ?

M : En groupes cultes, tu as : Rain Parade, Dream Syndicate, Green on Red ou bien Three O’Clock.

"Childish Bazar", un titre jamais sorti, donne son nom à l’album. Mais qu’est-ce que le Childish Bazar ?

S : Pour tout te dire, c’est la toute première chanson qu’on a enregistrée. On avait essayé de bien la réenregistrer pour le premier album, mais ça n’a jamais marché. Le bazar enfantin.

C’est un peu ça votre musique, quelque chose de pas très sérieux.

S : C’est la notion à la fois de plaisir et de jeu. Ce sont des jeux de construction. Quand t’es dans ton bazar d’enfant, tu te crées quelque chose. Tu te fabriques un univers et on fonctionne un peu comme ça dans le processus créatif.

Ce qui me marque dans votre album, c’est qu’il semble construit comme un tout. Chaque piste s’imbrique dans quelque chose de global. Quel a été le processus créatif de l’opus ? Est-ce que vous aviez une trame et vous l’avez déclinée ?

M : Dans la composition pas forcément. Tu as la production de Paul qui unifie la chose. Les chansons sont assez différentes mais déjà au milieu de l’enregistrement, on se posait la question de l’uniformisation de tout ça. 

S : En amont, on avait 16 chansons enregistrées et certaines ont sauté.

M : Ça forme un tout dans ce que doit véhiculer cet album. Une sorte de refuge mélancolique qui est le childish bazar.

S : Et ça reflète aussi ce moment de l’enregistrement qui est un entre-soi très particulier.

Votre nom et certaines de vos chansons me rappellent le Brian Jonestown Massacre période 'Their Satanic Majesties Second Request'. Est-ce que ce groupe est une influence pour vous ?

M : C’est ce qu’on dit à chaque fois. On s’est retrouvé autour de la musique psychédélique des années 1960 et du Brian Jonestown Massacre. Quand on s’est rencontrés, on avait 17 ans et c’était du genre « Ah toi aussi tu connais ?! » et c'était génial !

Votre premier album avait pour titre 'The Gardener Sleeps In His Golden Bed'. Sur celui-ci, vos chansons parlent de « pacte avec le vent », de « bulle de l’espace » ou de « fleur triste dans le sable ». Si on ajoute à cela votre pochette, cet album ne serait-il pas celui de la transition écologique ?

[Rires et arrivée de Nicolas Hulot] S : C’est vrai que cette petite feuille verte sur le rondin de bois dans cet océan de mazout, ça pourrait vouloir dire ça [cf. pochette de l'album]. Une petite feuille de l’espoir.

M : Et ça révèle le côté très lyrique de nos chansons. On essaye d’écrire des sortes de petites comptines. Mais pas innocentes parce qu’il y a pas mal de sous-entendus. La première chanson, c’est quelqu’un qui sombre dans la folie, la deuxième, c’est l’histoire d’un deuil. "Space Bubble", c’est une histoire d’amour avec une fin tragique. L'un est dans la mer et l'autre dans l’espace mais le seul moyen pour qu’ils se retrouvent, c’est qu’il meure et tombe dans l’eau. Y’a plus gai !

© Inaniel Swims

Autre thème, la magie. Pourquoi ?

M : Parce que je crois que ça existe !

S : Moi je suis plus cartésien mais ça me fascine quand je suis face à des phénomènes paranormaux.

Vos musiciens magiques du moment ?

M : Tim Presley et son album ‘The Wink’ ! J’ai trouvé ça fabuleux.

S : Moi, c’est Foxygen.

Vous avez sorti le disque chez Howlin Banana, un des labels les plus en vue actuellement. Quel a été le rôle du patron dans le processus créatif du disque ?

M : Quand on a sorti le premier album, on a su qu’il avait beaucoup aimé. Partant de là, on est entrés en contact. Après le concert à la Mécanique Ondulatoire qu’il avait organisé, il nous avait dit qu’il était prêt à le sortir.

Le label Hellzapoppin Records coproduit l’album. Un nouveau venu ?

S : En fait, on avait adoré l’album des Chiens de Faïence. On voulait absolument que ce disque sorte. On a démarché et tous les retours qu’on a eus, c’était « c’est hyper bien mais ça ne rentre pas dans le cadre du label ». Donc, on a créé un nouveau cadre avec un nouveau label. On voulait attendre un peu mais quand Tom d'Howlin Banana nous a demandé une co-prod, on s’est dit qu’il fallait le faire à ce moment-là. On sortira le Chiens de Faïence avec les sous du Bootchy.

Petite indiscrétion. Est-ce vrai que vous êtes déjà en train d’enregistrer votre troisième album ? Si oui, un indice sur la couleur musicale de celui-ci ?

M : C’est vrai! Je dirais que ça sera punk-folk-pop.

S : La majorité des titres sont enregistrés. On a un peu changé le processus d’enregistrement. On a enregistré deux albums en multipistes donc on voulait évoluer, faire des choses qu’on ne savait pas faire. Donc là, on a fait 10 ou 12 morceaux en prise live et on les a montés sur place.

M : Au-delà du son, c’est dans l’esprit que je vois du punk.

Dernière question. La scène bordelaise est plus active que jamais. JC Satan, Cheveu, Magnetix hier, Jaromil Sabor, vous et même votre nouveau copain TH da Freak chez Howlin. Comment l’expliquez-vous ? La jeunesse éternelle d’Alain Juppé ? Les cannelés ?

S : C’est le vin! Bien plus que les cannelés, c’est les vignobles !

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