Actualités

'Rester vertical' : la méditation onirique et sensuelle d'Alain Guiraudie

Écrit par
La Rédaction
Publicité

Après ‘L’Inconnu du lac’, Alain Guiraudie revient avec une méditation intrigante et onirique sur la créativité et les relations humaines

Les frontières du rêve

Le cinéaste français Alain Guiraudie possède un don singulier, et assez vicieux, pour concocter des films qui se déplient comme des rêves : non pas à travers ces envolées extravagantes et loufoques que certains cinéastes assimilent à la logique du rêve, mais par un découpage dérangeant, tortueux, d’événements à mi-chemin entre banalité et étrangeté, brouillant les frontières comme à l'intérieur d'un rêve.

En 2013, dans ‘L’Inconnu du lac’, film solaire et épicé lorgnant vers le thriller hitchcockien, une rêverie érotique quotidienne se fondait peu à peu en une tension sourde et ombrageuse. Quant à cette œuvre qui lui fait suite, légèrement plus vêtue mais pas moins risquée, elle aurait sans doute pu s’intituler « L’Inconnu du silence ».

Rester vertical

Chaos intérieur et désirs sexuels

Avec ses premières séquences amples, mesurées, il semblerait d’ailleurs que la narration flâneuse de Guiraudie consiste davantage à rester circulaire que verticale : à mesure que Léo (Damien Bonnard), scénariste en panne de créativité, dérive à travers la France rurale, les rencontres alternent, se répètent, avec des résultats subtilement variés. Il tente par exemple de convaincre un garçon maussade que celui-ci possède un visage fait pour le grand écran, mais sans réussir à détacher le jeune homme de son tuteur plus âgé, obsédé par Pink Floyd.

Un peu plus loin, Léo courtise et engrosse une bergère rebelle (l’excellente India Hair, projetant calmement son chaos intérieur à l'image) qui abandonne bientôt le père et l’enfant. Entre l’ardeur des désirs sexuels et une guérisseuse New Age en pleine forêt, les choses se compliquent un peu pour le jeune daron… sans même parler de ces loups qui rôdent, inquiétants, à la périphérie.

Rester vertical

Filmer des organes génitaux comme un paysage

Entre la Lozère et le centre ville de Brest, ce qui ressemble de prime abord à un cycle aléatoire d’échanges et d’incidents devient, au fur et à mesure, quelque chose d’étrangement cohérent : une méditation sur le besoin profondément humain de protection et de camaraderie, parfois sous la forme d’une seule personne.

Quoique de façon moins explicite que dans son précédent film, la sexualité répand sa perspective à travers l’ensemble de 'Rester vertical' et des existences qu’elle crée, rompt ou résilie. D’ailleurs, c’est avec une sérénité contemplative que Guiraudie parvient à filmer des organes génitaux comme le panorama d’un paysagiste. Et il est sans doute l'un des rares à le pouvoir.

Lors d’une séquence particulièrement graphique, un bébé sort ainsi d’un vagin dans un torrent nauséeux de liquide visqueux. La caméra de Guiraudie capture brutalement l’événement, éminemment naturel, comme s’il s’agissait de la chose la plus étrange du monde. Quel que soit votre état de conscience ou votre station, verticale ou horizontale, ce film fascinant et glacé vous montrera la vie comme une manifestation étonnamment surréaliste.

>>>> 'Rester vertical' d'Alain Guiraudie, en salles mercredi 24 août 2016

À la une

    Publicité