Musée de l'Homme (©C.Gaillard)
©C.Gaillard

Le musée de l’Homme rajeunit

Puisque, pour survivre, l’homme doit s’adapter à son temps, il était logique que le musée qui lui est dédié fasse de même. Ainsi, après six années de travaux, le musée de l’Homme a rouvert ses portes samedi 17 octobre. Métamorphosé.

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Plus qu’une rénovation, c’est une renaissance : terminées les vitrines vieillottes et surchargées qui perdaient le visiteur. Finie aussi l’archaïque répartition par zones géographiques où l’anthropologie ne se confondait pas avec l’ethnologie. A présent, les 2 500 m2 de la galerie de l’Homme qui jouxtent le Trocadéro sont divisés en trois questionnements – « Qui sommes-nous ? », « D’où venons-nous ? », « Où allons-nous ? » – abordant tout à la fois notre diversité biologique, culturelle et sociale. 

Repensé par l’architecte Zette Cazalas, l’espace paraît, lui, plus lumineux avec ses grandes baies vitrées donnant sur la tour Eiffel et ses matériaux clairs, tels le frêne pour le parquet ou le staff blanc pour les murs. Toutefois, c’est l’aspect nettement moins encombré du lieu qui constitue le changement le plus radical. Il faut dire que les équipes du musée ont opéré une sélection drastique parmi les 736 000 pièces que compte sa collection de cires anatomiques ou de crânes phrénologiques. Seuls 1 800 objets étant désormais exposés, le musée a donc pu libérer de la place pour installer des tables tactiles, des écrans géants et des pupitres en braille audio-guidants au fil du parcours. L’objectif de ces aménagements technologiques ? Rendre le savoir plus ludique et accessible à tous, sans exception. Dans ce vaste dédale aux allures de cabinet de curiosités, les petits et les grands ne voient donc pas le temps passer, trop occupés à apprendre en s’amusant. Visiter une yourte grandeur nature, toucher des crânes d’hommes préhistoriques (expérience sensorielle inédite) ou tirer sur des langues en silicone afin d’écouter des dialectes inconnus comme le pala’wan ou le mand (qui compte seulement huit locuteurs à travers le monde) : ce n’est plus une visite de musée mais presque une virée dans un parc d’attractions !

Les reconstitutions de sites archéologiques couplées à leur moulage en plâtre participent également à cette dimension à la fois pédagogique et divertissante. Visibles dans la section « D’où venons-nous ? », principalement consacrée à la période néolithique, celles-ci plongent concrètement les enfants dans l’histoire de nos origines. Les curieux peuvent même sentir l’odeur du bois qui se consume autour de la reproduction du foyer de Terra Amata, un brasier qui fut la première trace de maîtrise du feu par l’homme. Car nos aïeuls de l’âge de pierre se révèlent bien plus savants qu’il n’y paraît. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer le propulseur aux bouquetins minutieusement taillé dans l’os ou la voluptueuse Vénus de Lespugue dont les courbes ont été polies dans l’ivoire. En s’appropriant ainsi la nature, les « hommes des cavernes » ont influencé, plus que n’importe lesquels de nos prédécesseurs, notre manière de vivre actuelle. Depuis des millénaires nous marchons donc dans leurs pas. Un tapis récréatif imaginé par le musée de l’Homme nous le permet d’ailleurs au sens propre. 

Mais parmi toutes ces mises en scène bien inspirées, la plus emblématique reste sans conteste une galerie de bustes en bronze dont la structure en fer s’élance jusqu’à l’étage supérieur. Réalisés au XIXe siècle par Charles Cordier et Pierre-Marie Dumoutier dans le cadre de missions scientifiques, ces troncs d’hommes et de femmes de toutes les couleurs et de tous les horizons démontrent la beauté de la diversité humaine. L’un des principaux fils conducteurs de ce nouveau musée de l’Homme qui, cependant, ne se contente pas de regarder notre nombril. Tout au long de la visite, l’être humain se trouve en effet comparé aux autres formes vivantes, animales ou végétales. Un bestiaire sculpté signé François Pompon émaille ainsi les différentes salles et, dans l’une des vitrines principales, deux bipèdes côtoient des cygnes, des paons et des lémuriens empaillés. Le but de cette constante mise en relation : rappeler la dépendance de l’homme à la nature. Car on ne peut le comprendre – et donc se comprendre – sans prendre conscience de son environnement. Cette idée est un thème récurrent et particulièrement bien évoqué dans la troisième et dernière partie « Où allons-nous ? ». 

Passant de la préhistoire à l’époque contemporaine, le visiteur opère un grand bond en avant qui le pousse à s’interroger sur l’avenir : quel impact nos modes de vie ont-ils sur une planète aux ressources limitées ? L’opposition entre la consommation journalière de Marie, photographe parisienne mangeant de la baguette, buvant du café et possédant un ordinateur, et celle de Hamza, agriculteur égyptien se nourrissant de dates, d’aryefs et de thé, en donne un aperçu tangible.

Cette ultime section prouve également que mondialisation ne signifie pas forcément uniformisation, chaque société ajoutant un peu de son identité aux éléments qu’elle pioche chez d’autres cultures. Exemples avec ce bus Renaud utilisé pour le Paris-Dakar et bariolé d’une imagerie sénégalaise, ou encore ces coques de smartphones aussi diverses que les régions du globe d’où elles proviennent. 

Puis, le parcours s’achève sur un échantillon de figurines super héroïques (Superman, Popeye, l’inspecteur Gadget…) symbolisant nos nouvelles capacités techniques et scientifiques. Des pouvoirs surhumains qui pourraient, à terme, influencer notre propre évolution. Cette conclusion légère pose donc une question sérieuse : quel sera l’homme de demain ? Une interrogation à laquelle les visiteurs seront bientôt invités à répondre en laissant des messages vidéo. Ceux-ci seront ensuite diffusés à la sortie, sur le mur des portraits.

En somme, le musée de l’Homme a su se réinventer, gagnant clairement en modernité. Pour autant, il n’a pas renié le projet initial de son fondateur, Paul Rivet. Au moment de l’inauguration du musée en 1938, dans un contexte historique trouble à la veille de la Seconde Guerre mondiale et en pleine montée du fascisme, l’ethnologue désirait lutter contre le racisme en prouvant que nous descendons tous du même ancêtre venu d’Afrique. Aujourd’hui encore, le lieu réaffirme sa volonté de mettre à mal les stéréotypes et les thèses hasardeuses au travers d’une exposition mettant à l’honneur la pluralité de l’humanité. Car c’est en ayant un patrimoine génétique commun mais des identités culturelles différentes que les peuples ont su évoluer et notre espèce perdurer. A l’image de ce musée de l’Homme nouvelle génération qui, à n’en pas douter, entre dans une ère prospère.

Horaires : ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 18h, le mercredi jusqu’à 21h.
Fermé le 1er janvier et le 25 décembre.
Dernière entrée à 17h15.
Tarifs : 10 € plein tarif, 8 € tarif réduit, gratuit pour les moins de 12 ans.
Plus d'informations sur : http://www.museedelhomme.fr/

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