A Paris, la fantaisie n'a pas toujours présidé au moment de nommer des lieux. Prenez le Caveau de la Huchette, voilà une grande cave qui se trouve… rue de la Huchette. Outre cette rassurante source de pertinence, il représente aussi, pour un Parisien sain d'esprit, la seule destination acceptable de cette rue, artériole embolisée par les vitrines de tarama bronzant sous les spots et les pubs à touristes sans âme. Ce lieu mythique accueille des humains depuis environ cinq siècles mais des jazzmen « seulement » depuis 1946, ce qui en fait, tout de même, le premier club de la capitale à avoir ouvert sa scène à cette musique de zazous.
Un lieu où le temps semble s'être arrêté
A l’intérieur, le portable ne passe pas, et le temps non plus : au rez-de-chaussée, un long bar sombre, et au sous-sol, de hautes voûtes médiévales noircies par des milliers de nuits blanches, de lourds madriers où poser son verre (bière 7 €)… Il manque juste les volutes de Gitane pour couvrir l’odeur des fêtes souterraines, mélange d’humidité et d’alcool renversé. Sur la scène, un groupe par soir joue pour un parterre de danseurs plus ou moins virtuoses mais hyper-déter. Car au Caveau, ça guinche sec. Ici, le jazz louche sérieusement vers le swing, le ragtime voire le blues. Les férus d'expérimentations sonores risquent donc de rester sur leur faim, les autres de bien rigoler dans une ambiance totalement hors du temps.