La musique est si forte qu’elle déborde des salles d’expo. Créateur de l’afrobeat, Fela Kuti s’est illustré autant un saxo aux lèvres que sur la scène politique du Nigeria et il fait aujourd’hui l’objet d’une expo magnifique à la Philharmonie de Paris. L’occasion d’en apprendre plus sur ce génie de la musique, son rapport à la politique, aux femmes et à son pays natal.
La scéno dépouillée mais parfaitement chantournée nous déroule les 58 années de vie de Fela Anikulapo Kuti. Une expo ramassée et dense comme la vie de l’artiste ! Entre les concerts qui s’enchaînent, les cartels ultra-détaillés, la multitude de photos, de pochettes de vinyle, de coupures de presse mais aussi… de slips (oui oui), la Philharmonie met en lumière les différentes facettes du Black President. Cet artiste très engagé a fondé un parti, Movement of the People, et s’est même présenté à la présidence du Nigeria en 1983, une candidature vite enterrée par les militaires, dont il devient la bête noire. Passé à tabac un paquet de fois, emprisonné, brimé, rien ne le fait taire. Parce que se taire, c’est arrêter de chanter – et ça, il n’en est pas question. A travers sa musique aux multiples inspirations, il dénonce la corruption, le néocolonialisme et la brutalité du régime. Pour Fela, “la musique est une arme du futur” et danser ne doit pas empêcher de penser.
L’expo évoque également, quoique assez timidement, son rapport aux femmes, sa mère, figure militante des années 50, et ses « Queens », ses compagnes – parfois mineures – qui l’entouraient. Une œuvre frappante de Barkley L. Hendricks représente d’ailleurs l’artiste, la main sur l’entrejambe, devant des « offrandes ». 27 chaussures exactement, en référence à son mariage controversé avec 27 femmes (ses danseuses) en 1978. Mort du sida en 1997, il est aujourd’hui une icône incontestable. Mais dans un monde où l’on se demande (trop) souvent si l’artiste doit être séparé de l’homme, la question se pose : Fela Kuti fait-il encore figure d’intouchable ?