Time Out Paris a décidé de mettre les pleins phares sur le parcours de Parisiennes engagées pour leur émancipation. Dans cette série, vous découvrirez des cheffes, musiciennes ou encore metteuses en scène qui défient le poing levé les normes et les oppressions qui régissent les différents milieux professionnels. Hasta la parité siempre !
La Menace. Un alias qui dit beaucoup de la personnalité et de l’engagement de Rag, DJ et directrice artistique du collectif Barbi(e)turix. Si vous avez un chouïa traîné dans le monde de la nuit arc-en-ciel ces dernières années, vous avez forcément entendu parler d’elle. Voilà quinze ans qu’elle fait transpirer les corps et les codes du patriarcat avec ses soirées Wet for Me. Le principe ? Des fêtes lesbiennes et queers, avec des programmations composées à très large majorité de DJ femmes. “La Wet for Me ne serait pas ce qu’elle est sans son engagement. Donner de la visibilité aux femmes, c’est politique. Redorer le blason du mot lesbienne l’est aussi”, scande Rag.
L’énergie pour s’investir dans cette cause, la DJ la puise dans son parcours. “Je suis une femme lesbienne, concernée pour partager les luttes contre le sexisme et les violences LGBTophobes”, dit-elle avec un débit de parole frénétique. “J’ai toujours voulu être DJ, mais j’ai fait face au machisme de ce milieu. Donc j’ai dû me débrouiller par moi-même. Et en même temps, j’ai toujours été aidée par des femmes.” Très attachée à la notion de collectif, Rag lâche peu (voire pas) d’infos sur elle-même. Son nom ? N’espérez pas. Une manière de lutter contre la personnification des luttes militantes.
Des soirées faites par les femmes, pour les femmes et les queers
Pour Rag, le point de départ se situe en 2008. Un an après la fermeture du Pulp, mythique club lesbien parisien, alors qu’elle est responsable d’exploitation dans le groupe MK2, elle rejoint Barbi(e)turix, une team de femmes queers qui gèrent un site web, un fanzine, des soirées. Au sein de ce collectif, ses idées, ses combats et ses projets trouvent écho. Un épanouissement ? Non, “un aboutissement” ! Très vite, la DJ lance sa série de soirées Wet for Me, d’abord à la Flèche d’Or dans le 20e. “C’était un défi de faire venir des lesbiennes dans ce quartier assez excentré de Paris. À l’époque, au niveau culturel et festif, pour les lesbiennes, il n’y avait que des institutions et des clubs bien ancrés”. L’ambition : “Créer un lieu alternatif et safe” pour ces filles qui subissent discriminations et moqueries.
Très vite, la soirée cartonne. Tellement qu’un soir de 2011, alors que l’icône queer canadienne Peaches est à l’affiche, le Nouveau Casino est littéralement assiégé. “Il y avait énormément de monde, on a quasi bloqué la rue”, se remémore Rag. Dans la foulée, la Machine du Moulin Rouge la contacte pour lui proposer d’organiser ses soirées dans le Central, l’un des plus grands dancefloors de la ville. “Le plus important était de rester fidèle à nos principes : faire des soirées pour les lesbiennes et les queers. D’ailleurs, si on en est là, c’est grâce au public.”
Un week-end de teuf et une compile
Aujourd’hui, la Wet for Me est devenue une institution. “La communauté Wet est tellement fidèle qu’on n’a plus besoin de têtes d’affiche pour remplir les salles. Les gens viennent les yeux fermés”, plastronne Rag. Une soirée aujourd’hui ouverte aux personnes queers, aux personnes trans et non-binaires. “On évolue avec la société et notre communauté pour que personne ne se sente discriminé.”
En 2023, la menace continue de se déployer. Côté perso, elle assure depuis l’an dernier la prog de la friche électronique Virage (en collab avec le DA du Badaboum Benjamin Charvet). Une patte qu’on retrouve dans une affiche paritaire et inclusive. Côté collectif, le 6 avril, Barbi(e)turix sortira BBX #2, une compile rassemblant 18 morceaux de nouvelles DJ françaises. Pile pour les 15 ans de la Wet for Me, célébrés en grande pompe deux soirs d’affilée à la Machine (21 et 22 avril). “Quinze ans, c’est à la fois rapide et long. À l'époque, je n’imaginais pas qu’on en serait là aujourd’hui vu comment on était à l’arrache – et on l’est toujours ! Mais on a tenu bon malgré les refus, la méfiance, les discriminations.” La lutte continue !
Pour découvrir le premier volet de notre série consacrée à Manon Fleury, c'est ici.