Avant de palpiter au rythme branché des basses du Point Ephémère, des tournées arrosées de Chez Prune et des soldes d’Antoine & Lili, le canal Saint-Martin remplissait une fonction pratique de la plus haute importance. Tracée sous Napoléon, cette artère autrefois vitale acheminait eau potable et marchandises jusqu’au cœur de la capitale impériale. En témoignent les anciens entrepôts industriels qui longent les berges, aujourd’hui réaménagés en bars, restaurants et boutiques.
Démis de ses fonctions par la concurrence routière et ferroviaire du XXe siècle, et désormais colonisé par les croisières touristiques et les armées de pique-niqueurs, ce canal aux eaux verdâtres et aux rives engageantes, que les urbanistes faillirent transformer en autoroute en 1970 (ah, les brillantes idées des années 1970), continue de ruisseler flegmatiquement sur plus de 5 km, faisant fi du monde extérieur. Alimenté par le canal de l’Ourcq, il prend depuis 1825 sa source au bassin de la Villette et termine sa course au port de plaisance de l’Arsenal, franchissant au passage neufs écluses, deux ponts tournants, un dénivelé de 25 mètres, et un tunnel, creusé sous la place de la Bastille.
Le dimanche et les jours fériés, les berges plantées d’arbres et de passerelles, coquettement cambrées au-dessus de l’eau, sont fermées à la circulation : l’occasion de se laisser couler sur le bitume, au fil de ses pieds ou de son vélo.