Pendant que ses parents se cachaient derrière le canapé du salon, terrifiés par les monstres du petit écran, Tim Burton, du haut de ses 3 ans, se délectait des scènes les plus macabres du 'Frankenstein' de James Whale. Ca se passait en 1961 dans une banlieue californienne propre sur elle – proche de celle qui garnira plus tard le décor d’'Edward aux mains d'argent' –, où Timothy, garçon pâlichon à l'imagination débordante, allait grandir comme un poisson hors de l'eau.
Une dizaine d'années plus tard, quelques freaks et créatures robotiques aux dents longues prenaient forme sous les crayons de couleur du gamin devenu adolescent accro au dessin, s'évadant par la porte du gribouillage et de la rêverie à longueur de journée. Déjà pénétré des penchants gothiques et expressionnistes qui caractériseront les films du réalisateur, le bestiaire burtonien voit ainsi le jour sur les bancs du collège. L’écosystème morbide, d’une candeur attachante, va se développer et s’enrichir des années durant sur des feuilles volantes que les collègues de l’Américain sont allés pêcher, en 2009, dans des fonds de tiroir pour alimenter l'exposition itinérante du MoMA (musée d'art moderne de New York) qui investit aujourd'hui la Cinémathèque française.
Plus qu'une rétrospective, ce parcours truffé de croquis, de peintures, de textes et d’extraits de films ressemble surtout à un laboratoire d'idées qui ravira les enfants et admirateurs inconditionnels de l’univers dans lequel sont nés Monsieur Jack, Le Pingouin de ‘Batman : le défi’ ou le cavalier sans tête de ‘Sleepy Hollow’. Car c'est le monde de Tim Burton, plus que ses films, qui brille ici sous les projecteurs. Ses esquisses, d’une constance saisissante, ne témoignent pas tant du talent d'un artiste plasticien que d'une imagination boulimique de fan de séries B : on sillonne les méandres de cet esprit follement inventif en s’étonnant de la persévérance de ses visions juvéniles, gorgées du même humour noir et de la même tendresse depuis plus de quarante ans.
Du téléfilm en carton-pâte 'Hansel and Gretel' (1983) à ses spots publicitaires pour les montres Timex, le parcours traverse certaines zones d’ombre de la carrière du cinéaste, à commencer par une série de peintures sur velours qui brillent dans le noir. Immersion dans la matière grise de Burton, l'expo offre aussi l'occasion rare de croiser le pull en angora d'Ed Wood (le personnage interprété par Johnny Depp, hein, pas le réalisateur de chair et d'os) et les véritables mains d'argent d'Edward, ou de voir quelques extraits de 'Frankenweenie', court métrage de 1984 réadapté au cinéma en 2012 (sortie en salles le 31 octobre).
Avec ses allures de musée sentimental ou d'« imaginarium » disneyen (le réalisateur a fait ses classes chez Mickey et ça se sent), la visite est à compléter impérativement par le cycle de projections présenté par la Cinémathèque. Au choix : toute la panoplie burtonienne, bien sûr, de 'Beetlejuice' à ‘Charlie et la chocolaterie’ en passant par ‘La Planète des singes’, ou bien des séries B soigneusement choisies par le réalisateur. Direction ‘Le Cabinet du docteur Caligari’ (Robert Wiene) ou ‘La Chambre des tortures’ (Roger Corman). A moins de leur préférer ce ‘Frankenstein’ qui faisait tant trembler Mr and Mrs Burton.
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