Critique

Villemot, peintre en affiche

4 sur 5 étoiles
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Time Out dit

On le connaît sans vraiment le connaître, comme on identifie instinctivement les courbes d’une bouteille de Perrier, la fumée sinueuse des Gauloises Blondes ou la silhouette d’une Vespa, moulée dans les teintes acidulées d’une vieille pub. Son nom ? Bernard Villemot, dessinateur-affichiste prolifique entre la fin des années 1930 et les années 1980. Trente ans après sa première rétrospective à la BnF, la bibliothèque Forney rend un nouvel hommage à ce pinceau emblématique de la publicité d’après-guerre.

Papillonnant de style en style dans les premières salles de l’expo, Villemot se cherche d’abord dans les lignes aiguisées de la propagande militaire, du réalisme social ou de l’art déco sauce patriotique, avant de trouver chaussure à son pied : à partir des années 1950, quelque chose se met à frétiller parmi les formes élastiques et les couleurs éclatantes des mocassins de Bally. Identifiable en un clin d'œil, le langage graphique de Villemot est né – sur la pelure de l’orange d’Orangina (dont il invente le logo) et sur les peaux dorées, enduites de crème solaire Bergasol. Peuplées de créatures effilées, arrondies et voluptueuses, les réclames de prêt-à-porter, de soins esthétiques et de bulles de soda lui siéent à merveille. Célébrés avec la ferveur du premier degré, les produits de consommation de masse qui trônent sur les Trente Glorieuses jubilent sous son pinceau.

Ce qui frappe, c’est la constance ahurissante du dessinateur, dont le trait épais et souple s’épanouit en marge du cynisme alors émergent du marketing. Au fur et à mesure qu’il signe ses réclames d’un gros « Villemot », développant une véritable patte d’artiste, un constat se dessine : qu’il vende des Gitanes pour encrasser vos poumons ou qu’il vante les mérites de la Croix-Rouge pour sauver votre peau, Villemot fait d’abord et surtout de l’art. Sans sacrifier son sens de la couleur, de l’humour ou de la vivacité aux stratégies alambiquées du marché. Les lignes épurées et les tons chauds viennent se fondre dans des aplats de pudeur et d’allégresse, pour faciliter la lecture, immédiate. La simplicité fait la force du dessin, l’impact est instantané ; les couleurs sont si rutilantes et les courbes si pulpeuses qu’elles vous donneraient, pour un peu, envie de vendre votre grand-mère en échange d’une goulée d’Orangina.

Assez dense, l’exposition déploie une centaine d’œuvres (dont beaucoup de grands formats) au gré d’une scénographie très simple, très sobre. Parfois un peu trop – les affiches semblent presque collées au Scotch, sur une enfilade de murs qui fleurent discrètement le renfermé. Mais qu’importe : le trait sautillant de Villemot, ses couches de couleurs pétantes et son admiration pour les figures dansantes de Matisse en ont vu d’autres, des murs. Happer le regard et vous faire oublier le monde alentour, voilà même ce qu’elles savent faire de mieux. Et si cette légèreté, lisse comme un Frigidaire des années 1960, peut agacer par son manque de consistance, le recul des trois dernières décennies apporte à cette rétrospective une certaine profondeur. Car à l’ombre de Villemot, c’est toute une époque qui s’expose. Une époque où l’art faisait, encore, un peu d’ombre à la tyrannie du produit.

> Horaires : du mardi au samedi de 13h à 19h

Infos

Site Web de l'événement
www.paris-bibliotheques.org
Adresse
Prix
De 3 à 6 €
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