Katsuaki Okiyama est un génie. Pour avoir su imposer (dès 2012 !) ce non-décor radical : façade raclée jusqu’à l’os, absence de nom au fronton, tuyau d'extraction rafistolé au gros Scotch alu, murs lézardés… Bien trop keupon à l'époque pour le Guide Michelin, qui aura attendu 2019 pour se décoincer et lui décerner (enfin) l'étoile tant méritée. Pour ce vrai parti pris en cuisine – notamment sur l’amertume, l’acidité – que le maître zen distille avec une précision chirurgicale… Et pour les prix, encore tenus en laisse : depuis qu'elle a rejoint la galaxie étoilée, cette grande toque, disciple de Robuchon et de Taillevent, n'a pas pris la grosse tête. Son menu unique (6 étapes) est passé de 52 à 65 € le soir (mais de 26 à 45 € le midi…) Arigato gozaimasu !
Les yeux rivés sur le comptoir central, on zieute le chef japonais s’affairer sans piper mot. Ce midi-là, pour 45 boules donc, on commence avec deux sashimis de thon rouge, topés de fines tranches de pamplemousse rose et d'œufs de truite, recouvrant un mix de tapenade, pignons de pin et feuille de shiso. Complexe et intense comme un parfum de Serge Lutens, l'acidité et l'iode étant arrondies par une crème crue. Puis vient cette soupe umamiesque : des coques en émulsion nageant dans une rouille extra, et tout au fond du bol, des quenelles de pomme de terre et deux trois noisettes. Au poil avec un Poil de Lièvre 2018 de Bobinet, en jolie tension (8 € le ballon). Le plat principal est un peu plus attendu : un dos de cabillaud émulsion verveine/miel, travaillant l’amertume : courgette jaune crue, crème de carotte, navet… Reste ce magistral dessert sur mesure (chaque table en reçoit un différent). Pour nous : un gaspacho tomate/fraise, sorbet tequila. On nous a bien cerné !