Bistrot Bellet

Voilà le genre de caboulot qui manquait encore à ce quartier du Faubourg Saint-Denis, en pleine révolution/rénovation des casseroles. C’est vrai que depuis des mois le paysage de ce coin populaire du 10e, en pleine gentryfication (lisez : envahi peu à peu de bobos à poussettes), a considérablement évolué, faisant naître restaurants, fast-foods et tables à concept à qui mieux-mieux. Entre hot-dogs, hamburgers, kebabs kurdes et poulet-bio-frites-bio, le jeune Nicolas Lacaze a eu la bonne idée d’installer un bistrot franchouillard, joyeusement franc-du-collier.

Le décor ne déçoit pas les habitués du hareng pommes à l’huile : comptoir, carrelage essoufflé, tables de bois et chaises de bistrot, cuisine ouverte où s’active un chef sec comme un figatellu, transfuge du renommé Café des Musées. Dans cette salle tout en longueur se presse une clientèle disparate, réunissant le temps d’une Fricassée de poulet fermier aux champignons et vin jaune (servie en cocotte, à la crème onctueuse) leveurs de coude, habitués du quartier, hipsters en rédemption, vieux routards de la fringale.

Les menus s'affichent à 32 ou 36 euros. Les assiettes qui les composent ont le registre parigot-bistrot, laissant la terrine (servie très généreusement) côtoyer les huîtres (de belles Utah Beach au parfum de noisette), arrimant le Rognon de veau au Xérès à un solide Gratin dauphinois. De belles proportions, des goûts francs, des cuissons ajustées, du sérieux quoi.

Sachez toutefois que la table est assez bruyante et qu’il vaut mieux s’y asseoir entre amis que pour conter fleurette à voix basse, même si la lumière tamisée (ici on n’ouvre que le soir) s’y prêterait à la perfection. On ne peut pas tout avoir. Un bon bistrot bien balancé, c’est déjà pas mal.