« On ne devient pas un mythe par hasard » se targue Bouillon Chartier sur son site Internet. On imagine les deux frères fondateurs, en 1896, mentons relevés, cols repassés, saluant leurs clients au détour du Faubourg-Montmartre. Aujourd’hui, cette ancienne gare désaffectée déploie tous les charmes d’un Paris grouillant de bonne vie. La hauteur sous plafond, les grands miroirs et les lampadaires ronds nous rappellent la splendeur d’une Belle Epoque que l’on peut d’ailleurs redécouvrir jusqu'au 18 août 2014 à travers l’exposition Paris 1900, au Petit Palais.
Historique ou cliché ? Les serveurs costumés virevoltent entre les chaises en bois brinquebalantes pendant que votre voisin de table s’obstine à vous faire la conversation, et qu’un couple d’Américains tente d’expliquer à un saucisson ardéchois qu’il est « amazing ». Tout l’apparat de la brasserie typiquement parisienne est là. Il y a des jours où l’on sent le besoin de se raconter une histoire pour pouvoir mieux en vivre une autre. Curieusement, les clichés font partie intégrante de ce mécanisme et nourrissent notre imaginaire. Bien évidemment, il n’est pas nécessaire de sentir l’âme de Joséphine Baker chatouiller notre mémoire pour s’enfiler un rumsteck sauce poivre et ses frites (11,50 €), mais tout de même, notre verre de bordeaux (2,50 €) a meilleur goût dans un joyeux brouhaha art déco que seul sur son canapé Ikea.
La carte est vaste et comporte tout ce qu’un Parisien peut attendre d’une brasserie : escargots (6 €), œufs mayonnaise (2,50 €, incroyable mais vrai), poireaux vinaigrette (5 €), andouillette à la moutarde (11 €) et autres steak-frites. Les prix alléchants et la générosité du service nous ont finalement donné envie de passer du statut de badaud étonné à celui d’habitué familier.