Pierre-François Blanc sait peut-être mieux que personne à quel point il est difficile de décrocher la permission d’installer un restaurant dans un monument emblématique de Paris : le maître des lieux aura attendu cinq ans avant d’ouvrir les portes de son fief gastronomique au cœur du palais Garnier. Mais un coup d’œil à ce décor futuriste habillé de rouge et de blanc suffit pour comprendre que le jeu en valait la chandelle : le premier restaurant à élire domicile entre les murs de l’Opéra est indéniablement éblouissant. Dans l’aile est du palais, coiffée d’arcades sous lesquelles circulaient autrefois des calèches, l’espace incurvé dessiné par l’architecte Odile Decq serpente entre les murs et flotte au ras du plafond, effleurant délicatement la structure d’origine sans jamais la toucher.
D’immenses fenêtres au cadre gondolé, fabriquées en Espagne pour l’occasion, ondulent librement entre les colonnes. Même les toilettes valent le détour avec leurs miroirs monstrueux et leurs lavabos avant-gardistes, surmontés de robinets qui éjectent l’eau vers le haut et changent de couleur au contact de vos mains. Côté victuailles, on découvre des spécialités surprenantes comme ce foie gras poêlé aux fraises et au miel maison – un nectar onctueux issu des ruches qui bourdonnent sur les toits du palais. Ou cette exquise pata negra, jambon des jambons ibériques, servie avec des olives et une polenta crémeuse ; et pour le dessert, évidemment, une généreuse tranche d’opéra. Le menu, alléchant – mais peut-être pas au point de justifier ses 75 euros –, est né sous les deux bonnes étoiles Michelin de Christophe Aribert, son créateur. Au quotidien, cependant, c’est à Yann Tanneau, l’ancien chef du Mama Shelter, que revient le soin de superviser le fourneau. Lorsque la saison des opéras bat son plein, le restaurant sert de 18h à minuit : l’occasion de dîner en toute élégance avant le lever de rideau ou après le spectacle.