Approchons-nous, à pas de loup, de cette espèce de plus en plus rare à Paris : le bistrot sans concept. Une adresse qui ne singe pas la brasserie italienne ni le grill du Nordeste, tenue par une cheffe qui ne fait ni résidence ni télé et qui – incroyable – ne propose pas le soir des « tapas qui tabassent ». Cet oiseau rare, qui nidifie dans une rue de Montmartre, c’est A.Léa. Une petite salle épurée, discrètes moulures et zelliges blancs, où accueille tout sourire William Atlan, ancien des cuisines de Christian Constant, qui a lâché les casseroles pour lancer cette affaire avec Léa Lestage, passée par le Polisson et le Bristol, seule aux fourneaux (pas courant non plus comme configuration).
Le midi, entouré de quelques touristes bien conseillés mais surtout d’autochtones chanceux, on profite d’une formule déjeuner brillamment bistrotière proposée à prix 2018 (25 € la totale). Entame en douceur avec des betteraves alanguies sur un édredon de yaourt grec aux échalotes et noisettes torréfiées. Avant un impeccable filet de maquereau escortant un tronçon de polenta poêlée et chapeautée d’une vierge salicorne tomate, sous un nuage de hollandaise au siphon. Elégant et délicat. On termine avec un rassurant (et trop rare) riz au lait caramel beurre salé et amandes caramélisées.
William dégaine une belle carte de liquides pour faire couler tout ça : sauvignon d’Eric Louis (8 €) ; montlouis-sur-loire Clair de Lune de François-Xavier Barc (37 €) ; rouge Sainte-Marie de Fanny Sabre (58 €)…. Le soir, les assiettes montent en gamme et en prix pour une ambiance plus cosy que festive : vitello tonnato et croutons au beurre d'algues ; maigre, butternut et sabayon au beurre noisette… A.Léa, assez jacté, faut y aller.