Youyouyou ! Sonnez gasba, résonnez darbouka, un chef a enfin osé se saisir du terroir du Maghreb sans pour autant mettre à sa carte un couscous ou un tajine ! L’auteur de ce petit miracle culinaire se nomme Youssef Marzouk, passé par le Ritz et le Tout-Paris de William Bequin et Arnaud Donckele avant d’ouvrir son adresse gastronomique à lui, petite salle pierreuse et boisée à l’extrême sud du Marais.
Ancien étudiant en chimie, il s’est souvenu que la coriandre, herbe totémique de la cuisine méditerrannéenne, doit son parfum à l’aldéhyde C11 avant de baptiser son resto. Puis il est parti piocher dans les souvenirs de ses grands-parents tunisiens pour créer son menu dégustation à l’aveugle servi le soir.
Sept étapes délicates démontrant une maîtrise brillante des sauces et des jus comme dans cette dubarry twistée par un ras el-hanout floral autour d’un dôme de mousse de chou-fleur. Mais la réussite du repas tient dans ces fulgurances tunisiennes, subtiles et abouties : kémia devenue aérienne mousse de carotte au cumin, nuage de méchouia en espuma accompagnant une splendeur d’agneau en deux façons (en pressé, laqué d’un jus d’anguille, ou grillé au barbecue) ou ce dessert au citron et géranium rosat, frais comme une promenade à l’aube dans les jardins de Tozeur.
La surface modeste du lieu limite l’épaisseur de la carte des vins mais on y trouve de belles choses à prix raisonnable comme le muscadet Gras Mouton du domaine Haute Févrie (45 €) ou les bourgognes de Sylvain Loichet (65 €). A noter que le midi, le chef bascule sur une cuisine du marché à tarif tenu (35€). En résumé, Aldéhyde c'est du solide.