Monsieur Yamashita utilise sa motobineuse pour préparer une parcelle avant le semis de légumes qui seront récoltés à l'automne et en hiver. Culture de potiron kabocha au premier rang
© Alexandre PETZOLD
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Asafumi Yamashita, très cher maraîcher

C’est le dealer de légumes le plus coté de la gastronomie parisienne. Time Out est parti visiter son jardin dans les Yvelines pour découvrir ses secrets de fabrication.

Antoine Besse
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Sur le (long) chemin vers le jardin d’Asafumi Yamashita à Chapet, tout là-bas dans les Yvelines, on a eu le temps de s’’imaginer ce maraîcher hors norme dont les navets kabu, aubergines et autres daikons maraboutent les stars des pianos. On le voyait un peu bourru avec le citadin, bottes boueuses et mains calleuses en prise directe avec la nature qui lui délivre ses merveilles de fondance et de goût. Surprise, celui qui nous accueille cigarette au bec, cheveux gominés et petit blazer, fait plus penser à un habitué des casinos de Macao qu’à un chaman du chou komatsuna. 

Pour sa fête (privée) des récoltes, il a fait venir dans sa « ferme » – en réalité un pavillon posé sur une colline qui domine un potager – des amis artistes, des chefs débarqués du Japon, des politiques de la région. « En fait, je suis seulement jardinier puisque je cultive 3 500 mètres carrés. Pour être maraîcher, la chambre des métiers impose au moins 2 hectares », rigole-t-il assis sur une souche faisant office de banc. 

Voilà donc un jardinier de 69 ans, ancien champion de boxe et golfeur, qui a attendu ses 40 ans pour mettre les mains dans la terre. Ses clients ? Une poignée de chefs triés sur le volet : Pierre Gagnaire, Christian Le Squer, Pascal Barbot, Sylvain Sendra et Keita Kitamura (chez Erh). Pas plus. La marchandise s’avère tellement exceptionnelle que ces multi-étoilés adaptent leurs menus en fonction des cageots que leur livre lui-même M. Yamashita.

Yamashita
© Antoine Besse

Oubliez aussi le cliché du jardinier taiseux : le bonhomme dégaine plus de punchlines que Booba dans un couplet. « Non, je ne suis pas cher, je suis plus cher que très cher », lâche-t-il avec un grand sourire quand on commence à l'entraîner sur le prix stratosphérique de ses légumes (comptez 30 € le kilo de carottes).

Évidemment, on veut connaître son secret pour faire jaillir d’une terre argileuse et orientée au nord des pépites comme ça. Il parle à ses plants ? « Non, je les écoute ! » Il passe surtout un temps fou au pied de ses pieds et les sélectionne sans pitié. « C’est vrai que je suis un travailleur maniaque mais strict. Je devrais me lever tôt mais si j’ai regardé Netflix jusque tard la veille, tant pis. »

Des bonsaïs aux navets japonais

Installé dans les Yvelines avec son épouse Naomi depuis les années 80, pour se rapprocher de l’école de ses filles, il voue son modeste jardin à la culture des bonsaïs pour les halls d’hôtels japonais. Un jour, la cata : on lui vole tout. Le voilà à 40 ans le bec dans l’eau. Un chef lui suggère de faire pousser des légumes japonais, qui manquent alors cruellement aux restaurants nippons. « Je plante quelques graines et je me lance ! » Il n’a aucune expérience et comme seule méthode les essais/erreurs et un livre de jardinage pour les retraités. « Je me dis que si ça ne marche pas, c’est uniquement de ma faute. »  

Alexandre PETZOLD
Alexandre PETZOLD

Petit à petit, son nom percole, des restaurants japonais aux tables françaises. Un jour, il amène un bouquet de ses navets kabu immaculés au Pavillon Ledoyen, qui vont impressionner Christian Le Squer. La hype est lancée. Aujourd’hui, son potager produit une cinquantaine de variétés de légumes avec la dose de phytosanitaires et d’engrais. « Je n’ai jamais mangé de bons légumes bio », assène-t-il avant de partir dans une explication filandreuse sur le pétrole, trait d’union avec les plantes du Jurassique et ses tomates. On comprend que sa recherche de la qualité ultime justifie les moyens. 

Et puis ses légumes sont dingues. Vous pouvez le vérifier sur place, de mi-mai à mi-octobre, lors des dégustations à la ferme – sur réservation. C’est forcément moins cher qu’une table au Georges V… Celui qui n’a jamais eu d’apprenti (« Quand j’encadre quelqu’un, la qualité baisse ») pense quand même à transmettre. Une académie des légumes dans le village voisin de Bazincourt va voir le jour avec un 3e cycle sur le maraîchage. Du cher maraîcher à la chaire de maraîchage, il n’y a qu’un pas…

La ferme Yamashita
2 chemin des Trois-Poiriers, 78130 Chapet
01 30 91 98 75

Toutes les photos appartiennent à Alexandre PETZOLD, auteur du prodigieux livre L'homme qui écoute les légumes. No do, publié aux éditions Actes Sud. Plus d'infos sur le livre ici. 

Alexandre PETZOLD
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Alexandre PETZOLD
© Alexandre PETZOLD
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