Au milieu des bars à pintes tièdes estudiantines, le glorieux passé oenophile de Jussieu souffle encore ! Avant la construction de cette mocheté de fac à l'amiante, c'était la halle aux vins ici ! Et les célébrités au bec fin venaient déjà gueuletonner Chez Henri, rebaptisé depuis Au Moulin à Vent à cause du goût du taulier pour le beaujolais. Banquettes en moleskine, déco bricolée en bouteilles et tonneaux, et dans l’assiette, chateaubriand à la ficelle et autres franchouilleries bourgeoises. A vue de nez, voilà une carte que n’aurait pas reniée Gabin, dont le fantôme d’ex-habitué rôde encore.
Et pourtant, l’équipe jeunette menée par Théo Moles en salle (passé par Gavroche) et le chef Maxime Plateau (ex-Scribe), en poste depuis 2019, a su garder le jus de ce bistrot sans l’encroûter façon musée. Une BO rock en fond discret, des pifs pas nature mais ô combien gouleyants (comme ce mâcon-villages de Michel Guignier 2018 à 30 € la quille) et l’ardoise entre classiques gravés dans la pierre et suggestions carrément fraîches ont de quoi draguer autre chose que le touriste en goguette.
Au menu du jour (23 € la totale, cadeau !), œuf mayo tout en miettes craquantes et pickles vivaces, terrine de pied de cochon tiède au twist herbu, surprenante julienne rôtie canon avec tombée d’épinards, salicorne et crémeux d’arêtes, ou hampe de bœuf grillotée au caviar d’aubergine… Avec des garnitures plus replètes, on revient sans coup férir. Et en dessert, hue cocotte : une profiterole dodue et sa saucière de chocolat font tourner ce moulin qui ne brasse pas que du vent.