La tendance du « c’était vieux avant » remet en lumière cette adresse canut chenue fondée en 1890, tombée dans l’escarcelle du toujours fringant Alain Ducasse au début de ce siècle. Le cadre de bistrot bourgeois avec faïence florale, miroirs, moulures et opalines aurait donné des aigreurs à Louise Michel mais procure au soupeur la douce sensation d’être un peu immortel.
En cuisine, Victoria Boller a remplacé Marie-Victorine Manoa et on n’y gagne pas forcément au change. La cheffe lyonnaise, passée par le Grand Véfour ou le Chantecler à Nice, délivre une partition techniquement sans reproche mais un peu empêtrée dans son classicisme. Certes, ça commence brillamment avec une cervelle de canut en amuse-bouche et une quenelle de brochet. Cette icône gone, souple et bien grillée sur son île de gelée d’estragon et de crème de riz au milieu d’un lac de sauce homardine (une cousine de la nantua), assure et rassure. On reste plus circonspect devant le pigeon cuit sur le coffre. Deux morceaux à la cuisson impeccable mais accompagnés d’une triste poignée de maïs en grain et d’un condiment à la prune. Même chose pour le foie de veau et sa belle sauce escortée de… chips, certes maison, mais on s’attendait à plus extravagant dans la bourgeoisie.
La carte des vins écume largement le Rhône entre viti un peu punks (Kéké Descombes, Laura Lardy) et domaines bien coiffés (Rémi Jobard, Stéphane Aladame). Au final, les prix se montrent plus raides que les pentes de la Croix-Rousse pour une satiété relative : le repas en rétronomie coûte plus de 60 € par tête.