L’argot a plus d’un tour dans son sac pour dire la bouffe, la graille, la boustifaille ou la becquetance. Bien avant qu’on appelle cela la “food” et qu’on la pare de filtres Instagram, ce sont ces expressions qui emplissent la bouche que l’on entendait sur la pente raide et communarde de la rue de Ménilmontant. Les tauliers de ce bistrot miniature ont fait parigot LV1 : Anastasia Rohaut (ex-archi) en cuisine et Vincent Bielhy en salle ont dénudé les vieux murs d’un local en déshérence, coulé un sol piqué de carrés noirs et dressé des tables de bois blond pour faire entrer la lumière dans leur chaleureux bouclard de proximité.
Dans la formule dèj du jour (22 €), on nous donne une becquée pleine d’entrain et de gaieté. En entrée, un filet de hareng puissant comme un coup de mer arrive emmitouflé dans une crème crue infusée à l’aneth sur un parterre de pommes de terre aussi fermes (mais justes) qu’une décision arbitrale après révision du VAR. S’ensuit un tartare de bœuf au couteau ; pas l’un de ces hachis narcoleptiques qui peuplent le commun des brasseries parisiennes, non : un tartare acidifié avec panache, désengourdi par une sauce sriracha tonifiante, le tout prolongé de salade et pommes paille. Avant, en dessert familier, une île flottante nougatinée sur la face nord, en dos crawlé dans son étang de crème anglaise à la tonka.
Même habileté du côté des glouglous nature : on s’envoie une grenadine pour + de 18 ans du Domaine des Grottes dans le Beaujolais (6 € le verre), en attendant de fureter du côté du Bugey les quilles de Caroline Ledédenté (34 €), ou vers le Languedoc-Roussillon avec les flacons friandises du Domaine de Mena (32 €). Car avec un entrée-plat-dessert à ce prix-là, agrémenté d’un service en nougatine (comme le dessert susmentionné), on sait qu’on va revenir avant même d’avoir réglé l’addition. Vingtiémistes résidents ou de passage : voici votre nouvelle cantine.