Dès la porte entourée d’un grand cerceau de joncs séchés, on se doute que cette adresse va nous emmener beaucoup plus loin que ce bout perdu de 15e. Akiyoshi Yuichiro, débarqué de Fukuoka juste après le Covid, a ouvert ici le premier restaurant chakaiseki de France. Quoicoubeh le chakaiseki ? C’est la succession extrêmement codifiée et chorégraphiée d’assiettes qui aboutissent à la cérémonie du thé au matcha, un breuvage trop amer pour le consommer directement (dit-on). Un moment de grâce et d’élégance nipponne de deux heures, hors du temps, à apprécier dans un silence respectueux et dans ce cocon zen de bois clair (évidemment d’essences japonaises).
Comme dans le kaiseki, le repas gastronomique, le chef, qui travaille devant son public avec des gestes d’horloger, doit varier les cuissons, les ingrédients et la vaisselle à chaque étape. Dans ce voyage en dix escales, les instants magiques de la préparation, comme ce tronçon de binchotan incandescent appliqué à même le chinchard ou la feuille de sansho réveillée d’un claquement de mains, marquent au moins autant que les plats.
De ceux-ci, on retient un fabuleux bol de légumes de Monsieur Yamashita, plus fondants que des bonbons, dans un subtil dashi froid ; un puissant sushi pressé (sabazushi) au maquereau grillé à manger dans sa feuille de shiso et de nori, ou un tendre sashimi de sériole sous une électrisante sauce ponzu gélifiée. Certaines étapes convainquent moins comme ce tempura de courgette manquant de punch, une boulette crevette/asperge sans relief et un dessert anecdotique (damier de pâtes au haricot rouge et abricot).
Rien qui n’entache cette expérience singulière, mais on est en droit d’attendre une perfection de tous les instants vu les prix pratiqués (160 € au minimum le midi en buvant de l’eau nature !). Côté collation justement, les trois verres de thés (de printemps au nez de coing, noir et jasmin) sont facturés 50 €. Autant se rabattre sur l’accord avec les vins nature du chef (105 €).