Chez Georges… Oui mais lequel ? A voir sa grosse dégaine d’avant le premier choc pétrolier – devanture boisée, lourd rideau de porte, vieux miroirs –, on opterait pour Georges Pompidou (en fait c’est Georges Constant qui l’a ouvert en… 1964). Car ce bistrot à l’antique continue de jouer la carte de la bonhomie décomplexée du siècle dernier, comme si on pouvait figer le temps dans une terrine. L’âme du bistrot, c’est son patron : Jean-Gabriel de Bueil, quinqua prolixe à veste de velours marron, sorte de Philippe Noiret monomaniaque des comptoirs (il a eu Savy, Chez René). Sa fidèle équipe de salle nous reçoit avec des radis-saucisson, annonce les plats du jour avec emphase, fait goûter le vin avec un empressement serein…
Sur le menu, écrit à la main (un “menuscrit”, donc) à l’encre rouge et bleue, trônent des classiques du genre, portionnés pour Gérard Larcher : banc de harengs dans une mer d’huile (littéralement) et pommes à l’eau ; céleri (bio) rémoulade ; patrimoniale terrine de foie de volaille... Tout est franchement bon et entraînant. Les plats font dans le viandard goûteux : foie de veau au vinaigre ; massive entrecôte grillée et os à moelle ; pavé (de bœuf) de la maison avec frites et haricots verts en février car le resto a été ouvert avant l’invention de la saisonnalité… Et en dessert, opulentes profiteroles sans surprises ni regrets.
Du vin nature ? Très peu pour ce bouclard, alors on mise sur un conventionnel pinot noir bourguignon (49 €). Repu, on finit par se desserrer la ceinture dans le joyeux brouhaha d’une salle mêlant avocats du quartier, touristes américains et artistes bien installés... Chez Georges, ça ripaille à pleine gorge.