Voilà sans doute l’une des tables mexicaines les plus authentiques de Paris. On devrait presque parler de gastronomie anahuac tant la cheffe, Mercedes Ahumada, prône un retour aux racines pré-hispaniques. Ici, chez Chicahualco (son village natal), pas d’escadrille de tacos sous un éboulis de cheddar mais des plats inédits sous nos latitudes aux intitulés et ingrédients franchement déroutants si l’on n’a pas fait LV2 olmèque. Dans une salle épurée, sans crâne coloré ni copie de Frida Kahlo à l’horizon, on commence par un chausson de maïs craquant, fourré de requesón (une sorte de ricotta), escortée d’un velours de purée de carotte et allumé d’une sauce aux piments de là-bas (ancho, mulato, arbol…). Un bel équilibre entre chaleur et douceur.
Puis arrive le mole de la casa, brun édredon de sauce aux 22 (!) ingrédients et 48 heures de cuisson, où se lovent une doublette de boulettes d’effiloché de canard confit, coiffées d’épinards. Un plat tout simple pourtant puissant et complexe qui convoque des saveurs de fruits secs, de piment, de touches d’amer cacaoté, à saucer avec des tortillas maison elles aussi au goût tranché. Sombrero bas pour cette assiette !
Suivant les conseils de l’accorte Philippe, mari de Mercedes, on accompagne ce voyage d’un verre de tequila 1800 reposado (au fuego adouci après quelques mois en fût) qu’il ne faut évidemment pas vider comme un desperado pour en sentir toutes les subtilités. La carte en propose une quinzaine d’autres aux côtés de mezcals et spiritueux plus rares comme le sotol, une eau-de-vie de cactus ou le pox du Chiapas, préparé à partir de maïs, de son de blé et de canne à sucre. Au final, une cuenta plus raide que chez un tex-mex lambda (entrées à13-18 €, plats à 24-34 €) mais pour une expérience infiniment plus dépaysante.