Oh le blaze trompeur ! Cette “datsha” conçue par l’archi Svetislav Ekmesic n’a rien de la maison de campagne russe, elle tient plutôt du loft brooklynite (avec un bar caché au sous-sol) à la hauteur de cathédrale et aux murs de brique, featuring cascade végétale, magnifique cuisine spectacle et néons jaunâtres. Ceux-ci venant d’ailleurs sévèrement entacher l’expérience du restaurant – il est difficile de déceler ce que l’on mange tant la lumière safranée uniformise les nuances de couleurs des assiettes.
Heureusement, le candidat de Top Chef 2021, Baptiste Trudel (ex-Grand Véfour) ensoleille ce soir-là une salle conquise, majoritairement internationale et très sereine côté moula, avec sa cuisine précise, lumineuse et singulière. Par ordre d’apparition, des plats qui tapaient juste à chaque coup de banderille : fringant coq au vin en croûte, télescopé par un sorbet pomme-gingembre (18 €) ; langoustines crues enflammées par une sauce XO qui arrache, le tout sous un délicat voile de riz (24 €) ; queue de lotte à juste cuisson et shiitakés croquants, lovés dans un beurre blanc lié comme il faut (42 € !) ; une géniale tartelette coiffée de lamelles de poire et d’un sorbet poire, puis nappée d’une crème au shiso (12 €). Côté liquides, une carte de vins naturels garnie comme le compte en banque des dîneurs : oxydatif Les Nouvelles 2014 de Philippe Châtillon (126 €), Les Alpes 2018 du regretté Dominique Belluard (200 €), trop rare Ixilune d’Imanol Garay (75 €)…
Les grandes assiettes de ce chef talentueux, les vins pour connaisseurs fortunés et le service affable mériteraient mieux qu’un lieu n’ayant d’underground que son atmosphère crépusculaire et ses néons polluants. Pourquoi pas une vraie datcha dans la campagne percheronne ?