Dans un Sentier désormais moins fringue que fringale, la rue des Jeûneurs porte bien mal son nom. Dans cette rue des Bouffeurs, on trébuche sur un restaurant, un bar et un caviste tous les dix pas ; dans le lot, le nouveau resto de Youssef Gastli, homme de Plume dans le 7e. Il convoque sa Tunisie sentimentale nichée dans un décor qui sent bon le sable chaud avec murs ocres, luminaires en rotin, godets en terracotta et playlist auto-Tunis qui nous parachute dans un chic cabanon à Sidi Bou Saïd.
On prévient les fans de Frank Herbert : au menu, point de ver des sables en ragoût ni de Timothée Chalamet en sarouel. Des épices, oui, mais celles qui donnent leur ligne mélodique aux plats du Maghreb – et le chef a le sens de la note. L’autre soir, on s’ouvre l’appétit avec un lablali à la poutargue, régal de soupe de pois chiches lestée d’un œuf poché allumé à la harissa, cette amie qui vous veut du bien (10 €), ou avec une coloriste “pitza”, sorte de galette ouverte couverte de volaille cuite en kebab, chou rouge et tahiné à se graisser les phalanges distales (14 €). Et en plat phare, aussi saillant sur la carte que celui du port de Carthage, se dresse l’agneau “à la gargoulette”, une méthode de cuisson berbère dans une amphore, chargée de viande et de légumes en pagaille qui ont braisé toute la nuit avec du tabel (mélange d’épices) et de la harissa (évidemment). Un kif de mijoté fondant et bien réduit, à loucher en équipe (55 €).
En dessert, efficace crème de pistache à la figue fraîche (9 €), et à boire, une carte de vins transméditerranéens exigeante : blanc tunisien (6 € le verre) ou crétois, rouge sicilien, bulle catalane, rosé cassidain (bouteilles 28-60 €)… Bienvenue en Dunisie.