Visqueuses, froides et glauques… Comme c’est curieux de choisir les anguilles (“eels” dans la langue d’Ed Sheeran) en animal totem de son resto. Surtout que, objectivement, l’adresse d’Adrien Ferrand, ouverte en 2017, se situe aux antipodes de tous ces qualificatifs modérément kawaii. Une salle de pierres grattées et mobilier bistrot où ça brouhahate le midi dans une chouette ambiance ; un service aussi souriant qu’efficace ; et des assiettes brillantes qui mettent en joie tant par leur dressage au cordeau que par leur précise gourmandise.
Ce midi-là, on commence fort avec des Saint-Jacques crues et ravioles de navet rehaussées tantôt par une sauce vierge chou-rave et kiwi, tantôt par une vinaigrette au soja. Du croustillant ? Y en a aussi grâce à de diaphanes chips de kombu. Une harmonie folle dans laquelle le verre de côte catalane bio Le Jouet de Marcel Bühler et Carrie Sumner (10 €) s’insère sans forcer. A noter que la carte des vins enquille les canons canons : du beaujo de Laura Lardy à 44 € au vosne-romanée du Prieuré-Roch à… 1 362 € !
Puis arrivent les encornets à la plancha qui folâtrent sur une palette pointilliste : beurre blanc curry, orange condiment à la courge, vinaigrette au kaki, épinards grillés… Un plat foisonnant et plein de technique mais là encore totalement cohérent. Le lascar ne relâche pas l’effort au dessert avec une délicate splendeur de génoise embarquant poire pochée et crème pralinée sur un électrisant lac de verjus. Pas d’anguille sous roche, Eels est une grande table.