C’est dans un repli germanopratin, entre assiettes rétro et murs bleu pâle, qu’on se donne rendez-vous. Lui, un ami, n’est pas franchement friand de cuisine italienne : « Souvent fade, sans grande originalité, voire franchement pas bonne. » En mission, je décide de guider le blasphémateur vers le droit chemin en lui proposant l’une des meilleures adresses sardes des environs. Filomena.
Sur la micro-terrasse, je laisse Valentina Russino, enfant de la casserole pleine de bagout, s’occuper du mécréant en lui parlant des produits hyper bien sourcés « dégotés directement de petits producteurs de Sardaigne ». Et en cinq spécialités locales, dans un menu Cicchetti à 55 €, l’affaire était vite réglée. On pense notamment à sa réaction enjouée devant la sympathique cassolette de sauce tomate orangée – « une recette à l’ancienne que j’ai héritée de ma grand-mère qui la cuisinait pour ses quatorze enfants » –, ou à celle carrément emballée devant ces hospitaliers culurgiones façonnés à la main avec de la farine de blé, garnis de pommes de terre et de pecorino, et coiffés de menthe fraîche. Un gâteau moelleux de pecorino et ris de veau frit et une stracciatella de burrata, anchois mariné finissent de poser les derniers arguments.
Si bien qu’en partageant des seadas (feuilletés frits croustillants, fourrés au fromage de brebis et zeste de citron), mon ami me dira, les yeux dans les yeux : « C’est généreux, rustique, franchement bien chiné… Une grosse surprise. » Rançon de la gloire, il acceptera même de payer une addition qui, elle, est un peu salée.