Dans une salle exiguë aux pierres apparentes, poutres grattées et cuisine-spectacle, une poignée de glotte-trotteurs d’ascendance US joue des coudes pour – peut-être – apercevoir Grégory Marchand (Frenchie Bar à Vins), l’un des pères fondateurs de la bistronomie parisienne. Un précurseur en son temps (2009 !), dont la cuisine – certes toujours aussi excellente, sourcilleuse sur les produits et demandée (comptez dix jours pour une table, sans être trop exigeant sur l’horaire !) – semble cependant prendre des rides année après année, avec son sacro-saint menu dégustation tarifé pour la haute (140 €), ses pointes de sauce et ses quenelles de lait ribot trop parfaites.
L’occasion de juger sur pièce est arrivée avec ce dîner en cinq levées et sans fausse note : rafraîchissante huître en coquille, émulsion à l’orange et sommités de chou-fleur ; tartelette de céleri dopée au raifort ; délicieuses ravioles de langoustine plongées dans une profonde bisque de homard et condiment yuzu ; Saint-Jacques snackées subtilement nacrées, brocolettis, pickles d’oignon et jus de viande. Avant un sommet de carré d’agneau de lait – cuisson majuscule – condiment kalamansi et ail noir, tout ça télescopé avec un grand jus de viande. En dessert bistronomique en diable, association de bienfaiteurs d'un délicat entremet au citron, d'un crumble au romarin et d'olives noires déshydratées. Côté liquide, une carte là aussi chaudement tarifée (verres de vin entre 12 et 27 € !), qui contentera autant les quinquas friqués des Hamptons, avec de grands pomerols millésimés (Pétrus 2012 à 3 500 €), que les trentenaires chébrans de Williamsburg avec une flopée de vins naturels choisis (domaines Ami, Ganevat, Bobinet).
Bref, une cuisine plus assez moderne pour être hype, pas assez ancienne pour être vénérable, mais encore étonnamment désirable et portée par un service aux petits oignons aussi poli que polyglotte.