La routourne finit toujours par tourner. La bistronomie triomphante avait ringardisé la nappe blanche lourde comme un drap de lin, le personnel en noir et blanc et les recettes à (grand-)papa. Adrien Spanu, passé par Passerini, remet tout cela en selle avec une plaisante sincérité et un talent indéniable. Sa Grande Brasserie coche toutes les cases de ce loto du patrimoine de la table qui régalait déjà Jean Gabin (pas le rappeur, l’acteur).
La grande salle, baignant dans la lumière ouatée de l’opaline, mêle vestiges historiques de l’ex-Petit Bofinger (mosaïque années 20 au sol, banquettes bordées de cuivre, fresque hédoniste de 1945) et touches « modernes » (comprendre 1970 max) comme ces poteaux à facettes ou les portemanteaux multicolores de Roger Feraud.
Au diapason du décor, la carte en Times New Roman de Grégoire Simon rassure comme le claquement de portière d’une berline bavaroise : fondantes tranches micrométriques de tête de veau coiffées de sauce ravigote (12 €) ; maousse côte de porc fermier panée et rosée, plus fondante qu’une glace oubliée sur un parking qatari, servie avec sa cassolette de gratin dauphinois (30 €). Et en conclusion, une impériale tarte aux poires (12 €).
L’approvisionnement sans concession des solides se retrouve dans la carte des vins, bien dans son XXIe siècle, avec moult quilles bio comme cet exotique chinon blanc La Galippe du domaine de la Marinière (41 €) ou le beau beaujo rouge Régnié d’Antoine Sunier (52 €). Tout cela attire – pour l’instant – une faune davantage capable de réciter des noms de préfecture que des titres de Rosalía… Mais on parie que ça va changer ?