« On va chez Juan ? » Oubliez piquillos, tapas perlant l’huile et vins noirs comme la nuit de Saint-Sébastien, c’est au Japon qu’il faut rattacher ce nom bien connu des nantis de la rue de la Pompe. Derrière une devanture aussi attirante qu’un salon de toilettage canin, cette petite gargote de bois blond accueille une douzaine de couverts et un comptoir. Derrière lequel Tadahiko Kinjo – petit calot blanc de dame de cantine sur le chef et gentillesse épinglée à la boutonnière – régale d’une cuisine simple et démultipliée avec pas moins d’une quinzaine d’entrées. Une audace ayant sans doute nécessité le braquage d’un magasin de porcelaines : tofu frit dans un divin bouillon, salade de concombre umamiesque, puissant maquereau mariné, onctueux chawanmushi, omelette japonaise aérienne… Un ravissement.
Et au moment même où l’on commence à tout voir en kaléidoscope arrive une salve de sushis joliment fagotés, au riz tiède et chapeaux frais : crevette, barbue, bar, dorade, Saint-Jacques, chinchard… En conclusion bien pensée pour une panse prête à imploser, une mousse de yuzu à la délicate texture de cumulus acidulé. Pour se tremper la languette, une bière Kirin (9 €), quelques sakés, dont un français Wakaze (12 €), meilleures alternatives à une carte des vins à dominante bourguignonne bien trop chère.
Le soir, les éternels indécis se rueront sur le menu omakaze du chef, qui se déploie en volutes de petits délices iodés. Mais pour ceux qui trouvent au resto le seul lieu où exercer une certaine autorité, sus aux délicieuses fondues sukiyaki et shabu shabu. Juan, muy bueno comme on dit à Nagano.