Déco exerçant son droit de grège, sages soliflores et nappes blanches amidonnées de frais, Kigawa ne remportera pas le prix du restaurant le plus punk de Paris. Mais ravalez votre envie d’anarchie ou de décibels et laissez-vous câliner par l’ambiance ouatée, le service aussi efficace que cérémonieux et surtout la cuisine, funambule entre France et Japon, de Michihiro Kigawa, taiseux, minutieux, intraitable sur les cuissons et les dressages. Voilà une adresse à visiter les yeux dans les yeux.
Le menu déjeuner à 45 € fait défiler des assiettes haute couture : en amuse-bouche, un chinchard en tempura électrisé par une sauce à l’umeboshi. Puis on enchaîne avec une dodue ventrèche escortée de radis en color block. En entrée bis, la fricassée de Saint-Jacques et d’encornet mouillée de beurre blanc casse simplement la baraque. S’ensuit la pièce maîtresse : un suprême de pintade rouge en sublime cuisson, servi par un jus court puissant et des légumes « poupées ». On accompagne ces beautés d’un vibrant mâcon-vergisson de Philippe Guyonnet (14 € le verre) mais la carte propose aussi d’avenantes bouteilles naturophiles comme ce blanc savoyard des Allobroges du domaine des Ardoisières. A noter qu’un système permet de goûter au verre des grands vins endimanchés, à partir de 26 € !
Au dessert, c'est Madame Junko Kigawa qui s'y colle avec une superbe soupe pralinée à faire trembler les cuisses de Pierre Hermé, où grenouille une mousse citron vert, bâton de chocolat fondant, avant un carrousel poudré de mignardises orientalisantes. Au dîner, le menu à 85 € doit dérouler un câble des plus soyeux pour une soirée tamisée qui prend le temps d’ensorceler discrètement les palais de la rue du Château.