Pendant une décennie, Kokoro était le rendez-vous malin des déjeuneurs à bec fin coincés dans un quartier Monge mou du genou. Si, désormais, on ne peut s’y pointer que le soir, on s'attable toujours volontiers dans cet étroit resto à étage pour 20 couverts collés serrés où le couple nippo-vendéen Sakura Mori et Frédéric Charrier, passés chez Passard, mettent du « kokoro » (cœur en jap’) à l’ouvrage.
Depuis la banquette rouge faisant face à la cuisine, on sent que ça va barder à la carte. On entame avec une galantine de poule faisane, trompettes-de-la-mort et foie gras, giboyeuse à souhait, entourée d’une barde blanche, de moutarde pimpée et de légumes lactofermentés. Puis svelte bar de ligne rôti, serti d’un beurre shoyu-verveine bien en verve – à saucer avec un pain maison à se damner. Question garniture, profusion végétale affûtée et futée: navets marteau à la crème de citron confit, poireaux crayon et laitue de mer. A noter qu’en aubaine végétarienne, les légumes d'automne au sautoir, assortis d'œufs fumés, avaient l’air fameux.
La pâtisserie enfin est la partie de Sakura, aussi précise que généreuse : ce soir, un paris-brest potelé et délicatement sucré qui donne envie de hululer “délicieux” en breton (“c’hwek”) ! La carte des vins aligne des canons de petites productions françaises en majorité nature comme ce cheverny Quadrature du blanc de Cyrille Sevin (7 € le verre) ou cabernet franc Le pourboire du Vigneron nature des vignes de Thuronis. L’âme reconnaissante et le cœur apaisé, on se surprend à fredonner « kokorokoko paloma » en sortant dans la nuit.