Sous les moulures dorées, un lustre grand comme Monaco et le regard un poil moqueur de la comtesse de Marchainville (immortalisée sur toile par Louis Tocqué en 1737, mais vous le saviez), on s’installe dans l’un des salons du Lafayette’s, restaurant du Moma Group (Manko) redécoré fin 2023 en bonbonnière néo-classique par Lázaro Rosa-Violán. Épais tapis, nappes blanches, argenterie chinée et, dans la faïence siglée, la cuisine de Mory Sacko.
Loin des expérimentations franco-nippo-sénégalaises de MoSuKe, son gastronomique du 14e, le chef star ne signe pas ici une carte épate galerie. On se trouve dans l’ancien hôtel particulier du marquis de La Fayette, héros de l’indépendance américaine : la cuisine s’affiche donc bourgeoise avec de timides touches créoles de Louisiane. Un mélange US et coutumes. Imperméable à l’idée de commander un hamburger à 32 € ou un mac & cheese (sous un éboulis de truffe) à 38 €, on opte d’abord pour une corn chowder, une chaudrée au maïs, chapeautée d’une pâte feuilletée façon soupe VGE de Bocuse. Une revisite très réussie, veloutée et enveloppante, totalement raccord avec la promesse du lieu. Le saumon sauce cajun convainc moins : les épices de cette belle sauce peinent à électriser l’assiette, et le saumon – à la cuisson sans bavure – reste un poisson un peu trop gras pour l’escorter d’un coleslaw.
La carte des vins épaisse comme une Bible déroule 800 références tradis (dont quelques crus US) à prix sous stéroïdes depuis un valençay Les Mi-Voies du domaine Minchin (50 €) au montrachet grand cru de Pierre Girardin (5 000 € !). Une tarte Tatin à la mangue affable mais un peu timide clôt en douceur cette pause dans le Paris doré, plutôt destinée au touriste américain en goguette.