Comme une cancoillotte oubliée dans la boîte à gants, un restaurant ne vieillit pas toujours bien. Avec son Chateaubriand ouvert en 2006, Iñaki Aizpitarte gravait dans le marbre du comptoir les codes bistronomiques qui allaient dicter le cool culinaire pendant presque vingt ans. Une déco réduite aux acquêts de bouclard dans son jus, un service pas toujours au taquet sur la déférence, des vins bizarres… Bref, tout pour oublier le restaurant à papa et se concentrer sur des plats inventés le matin même.
Mais voilà, le chef punk instinctif s’implique bien moins dans son adresse historique maintenant qu’il saupoudre son génie à Saint-Jean-de-Luz (même s’il repasse une tête de temps en temps) et la cuisine du Chateaubriand, désormais cornaqué par le duo Leonardo Righini et Daniel Savonarota (les anciens seconds du lieu), peine à émerveiller.
Le menu en dix assiettes – dont cinq amuse-bouches –, affiché à un costaud 95 €, déroule les classiques de la maison (les gougères, le shot de ceviche, l’incroyable dessert tocino del cielo à l’œuf coulant) mais tombe aussi dans le pastiche bistronomique (un comble…) comme avec ce maigre cru, puntarelle et mayo fumée vraiment trop ménager, ou ces anecdotiques agnolotti au bouillon de poireau.
Heureusement surgissent quelques morceaux de bravoure (barbue nacrée, petits pois, morille et beurre monté au fino brillamment printaniers, ou les asperges à la bisque d’araignée de mer) à faire couler avec une carte naturophile qui n’a rien perdu de sa superbe. Est-ce que ça suffira pour faire du Chateaubriand l’ambassade de la prochaine révolution culinaire ?