Sur le papier, ce n’était pas gagné. Deux chefs, James Edward Henry et Shaun Kelly, qui ont aiguisé leur hype dans des adresses über parigotes (Au Passage, Yard, Bones) partent s’installer avec armes et tatouages à 50 km de Notre-Dame, au fin fond de l’Essonne. Si ça pouvait sentir le vert à moitié plein, rien n’est moins vrai.
Voilà un lieu beau et sincère qui réussit à trouver ce subtil barycentre entre atmosphère, ambition et cuisine. Avec l’aide du studio Ciguë, le duo a transformé les écuries du château de Saint-Vrain (et ancien atelier de Niki de Saint Phalle) en une nef grandiose, lumineuse et élégante où se côtoient banquette 70’s, tables rustiques et baies vitrées en Cinémascope sur la nature environnante. D’ailleurs, rien que pour la vue (et pour la bluffante formule à 45 €), il faut faire le déplacement pour le déjeuner.
Le potager qui s’étend dehors n’est pas là que pour lnsta. Tous les fruits et légumes qui en sortent vont charpenter le menu. Ainsi, ce midi-là, après une bordée d’amuse-bouche de ouf (brioche au boudin noir ; feuille de capucine habillant crevette marinée, rhubarbe et raifort ; palette de légumes crus du cru autour d’une tempura de piments shishito…), on attaque l’entrée : une délicate tarte aux dernières aubergines du jardin, ricotta maison et cèpe. Avant une darne de veau parfaitement saisie au feu de bois accompagnée d’un duo de garnitures à partager autour de la table : pourpiers et haricots verts à la braise et salade de choux croquante. Désarmant de simplicité, généreux et surtout hyper bon. Avant de terminer sur une fraîcheur de compote de pommes et de glace au romarin chapeautée d’une sorte de praliné à la noix. A noter que tous les plats se déclinent dans des versions végétariennes, parfaitement maîtrisées.
La carte des vins très largement nature se garde de pratiquer des prix parisiens : sauvignon blanc Solange de Zoé Puzelat à 45 €, cheverny rouge Les Hauts de Madon de Christian Venier 35 €… Le Doyenné est la table de l’année.