Il y a des restos qu’on voudrait pouvoir prendre dans ses bras. Pour leur atmosphère parisienne immémoriale peut-être, avec son lot de vieux zinc, de Formica fourmillant, de poutres écorchées et de luminaires-globes. Pour leur service aux petits oignons, précis mais détendu, alerte sans être invasif. Ou encore pour leur cuisine, patinée à l’audace et misant gros sur le goût. On pense au Mermoz, au Bistrot des Tournelles, à Pétrelle. Leur point commun, hormis de mettre dans le mille à chaque fois ? Ils s’habillent tous sobrement du nom de leur rue, une humilité qui sert de marchepied à leur qualité.
C’est le cas également du Saint Sébastien – au 42 de la rue, donc – où l’on se rend un soir de froid polaire pour réchauffer nos cœurs et nos corps à la lueur d’une bougie face à la cuisine de Christopher Edwards. Début des agapes avec quelques anchois cantabriques imbibés d’une huile d’olive (14 €) à saucer avec la géniale miche de Ten Belles ; puis délicieux duo d’huîtres bretonnes n°2 pochées, graines de grenade et pailletage de scorsonère (le “salsifi noir”) ; avant un roboratif méli-mélo végé de shiitakés, pruneaux d’Agen et lentilles bien fermes, le tout accompagné d’une bonne purée de pommes de terre détendue à l’huile d’olive (27 €). Et pour finir, la possibilité d’une île (flottante), et ses particules alimentaires : crème anglaise à la cardamome toute légère, morceaux de coing et constellation de blé soufflé de la ferme de Vaux (12 €).
Pour ne pas faire le béta avec ses gamma GT, plus de 400 flacons ascendants nature ont été savamment sélectionnés par la formidable taulière Daniela Lavadenz, mêlant véritables pépites (La Désirée 2014 du domaine de la Grapperie à 60 €), bouteilles d’exception (vieux millésimes du savoyard Michel Grisard, meursault de Pierre Morey), et pas moins de 12 vins au verre (7-16 €). À moins de préférer les excellentes bières de la moitié de Daniela, Thomas Deck, de la brasserie Deck & Donohue (IPA Indigo à 7 € les 33 cl).
Un endroit qu’on voudrait pouvoir prendre dans ses bras, disait-on. Ou tout simplement garder pour soi.