On dira ce qu’on voudra mais les restaurants japonais de Paris savent y faire quand il s’agit de cérémonial prandial. Il y avait le fascinant office du matcha de Chakaiseki Akiyoshi, la chorégraphie millimétrée de la découpe du poisson chez Hakuba, il va désormais falloir compter avec le rite carné de ce Marie Akaneya, premier sumibiyaki (barbecue) nippon à Paris, ouvert par Chiho Murata et Ignasi Elias.
Une porte coulisse, une hôtesse en kimono nous mène à notre table-barbecue dans une salle boisée crépusculaire baignée de jazz. Dépaysement ? Check. Les menus proposés par la cheffe Froulyne Dubouzet (ex du Café Constant) alignent une quantité conséquente d’étapes – six plats très copieux – qui font du repas un exercice de modération autant qu’une partie de dînette. Le ballet des serveurs débute avec l’installation des braises, puis arrive un bol d’un sapide bouillon de canard qu’on se retient de finir, de gyozas à la démente farce au Kobe (ça aide), deux maousses gambas à faire tiédir sur la grille à accompagner de nouilles yakisoba au bœuf haché et œuf (soit assez de protéines pour la semaine).
La viande arrive enfin en tranches millimétriques de la taille d’une demi-CB. On fait shabu-shabu avec les tranches de poitrine dans un puissant hotpot de champignons, du rumsteck cuit dans un caquelon de miso et ponzu (excellent !) et on jette de la surcôte minute sur le grill avant de la faire fondre sur la langue. En clôture, on nous présente le morceau de Kobe, dont le persillage le rend plus rose que rouge. Inutile de mâcher, il fond sur la langue ! Ici, on apprend que la viande peut être une sensation plus qu’une matière… A noter que le « petit » menu à 120 € ne comprend pas la star du lieu, le bœuf Matsusaka, au nom digne d’un code wifi (Ito Ranch A5 BMS 10+), plus cher que la truffe et importé en Europe pour la première fois. Mais cela donne déjà une bonne idée de cette expérience carnivore singulière.