Il y a des chef(fe)s qui font plus de com que de cuisine, avec des assiettes qui semblent nourrir davantage leur ambition que les estomacs. Et puis il y a Matan Zaken. Ce discret artisan, passé par le George V de Christian Le Squer ou par le mythique Saturne avec Sven Chartier, a d’abord été nomade avant de trouver son home sweet home (d’où le nom) dans ce drôle de souplex troglodytique face au jardin du Palais-Royal. Sous la voûte en pierre de taille, une seule table commune, vaste puzzle de bois exotique parsemé de fleurs et de courges, où une bonne partie de l’équipe vient vous servir avec l’agréable sensation d’être un ami de la maison. Oui, même le chef mouille le tablier, car discret ne veut pas dire taiseux ! Et le repas ? Carrément l'un des meilleurs de l’année grâce à une cuisine bien dans la saison, sans esbroufe et d’une précision folle.
Dans le menu en six temps, à l’aveugle et avec du chien, on se régale d’anguille (d’élevage, souligne le chef) et de cubes de foie gras oints d’un intense bouillon d’oignons et d'huile d’agastache. Immense douceur ! En carné rose, le carré de veau flanqué d’une merveille de ris poêlé et de choux de Bruxelles part pour le Levant avec un sapide condiment amba. Les desserts ne relâchent pas l’effort avec une variation équilibriste autour du coing et de la butternut (mais oui), accompagnée d’un délicat kombucha de coing ou cette splendeur de tartelette au cacao – pas au chocolat ! –, noix de pécan et miso qui tient le sucre en laisse courte.
La carte des vins – pas donnés – est ciselée par le MOF Manuel Peyrondet qui biologise à fond les ballons (loire Argos du domaine Les Poëte à 79 €, riesling de Trimbach à 166 €) sans oublier les quilles d’exception comme ce corton-charlemagne du domaine Bonneau du Martray à 830 € ! Les abstèmes (ou les curieux) peuvent se rabattre sur d’étonnants thés infusés à froid venus de Grands Jardins comme ce thé malawite fumé au goyavier (8 € le verre). Au grand Nhome, l’appétit reconnaissant !