La voix posée et la courtoisie à la boutonnière, Barnabé Lahaye (ex-Maison Rostang) nous accueille mezza voce dans cette caverne de standing, amortie de velours côtelé couleur rouille, bois brun, murs de pierre blanche et grande vitre plongeant dans la cuisine. Pas de hipsters à l’horizon, aucun bonnet Carhartt ; oui, ça fait du bien de temps en temps. On est plutôt dans un resto à la daron(ne), fort urbain, où le chef Sukwon Yong plie la carte du monde avec adresse pour faire se toucher Séoul et Paris. On l’avait vu au Bistrot Flaubert mettre la cuisine française à l’heure du Matin-Calme ; cette fois-ci, il est chez lui dans cette centaine de mètres corée.
Résultat ? Une belle affaire de formule dèj à 35 € entrée-plat-dessert ! On commence par trois graciles raviolis aux gambas grillées et bok choy, illuminés par un bouillon de crevette éblouissant comme un coup de projecteur sur cette belle corée-graphie. Puis, on tracte bruyamment du bout des lèvres des tagliatelles à la crème de crustacés et œufs de saumon, barrées d’un filet de poisson qui rascasse la baraque. On goûte aussi une sage joue de bœuf glacée d’un joli jus tigré et ses blettes photogéniques. Avant, en dessert, un cheesecake en ordre dispersé dont on a du mal à recoller les morceaux – avec un excellent petit noir de rutilante cafetière coréenne ultra-connectée.
Dans le godet, du pinard sans jeu de mots potaches sur la bouteille, tel le blanc menetou-salon du domaine Gilbert (10 € le verre). Au total, des bouchées qui ont du style et d’autres plus scolaires qui mériteraient parfois de jeter un peu d’académisme aux orties. Mais à ce prix-là, on y retourne. Mieux, on se fait inviter (et vite !) par ses parents à leur prochaine pulsion de générosité (le soir, le level monte encore à 59 €-79 €) car on voit dans notre boulette de cristal que l’étoile Michelin ne devrait plus être bien loin. Juste une perception.