Que c’est voluptueux d’entrer chez Pétrelle par un soir d’hiver ! On imagine Baudelaire et sa bande s’adonner nuitamment aux paradis artificiels dans ce boudoir fin de siècle réchauffé d’un poêle providentiel, parmi moult délicatesses qui prédisposent à l’amour : chandelles et guéridons surannés, verre de Murano, porcelaines et argenterie patinées… Mais je m’égare : point de “space vol-au-vent” au menu relié de cuir du restaurant de la cheffe Lucie Boursier-Mougenot et de son sommelier de conjoint Luca Danti, ancien des Caves Legrand. Plutôt la promesse d’une belle ouvrage qui connaît ses classiques mais récités avec des intonations contemporaines : de saison, locale et bourlingueuse.
Un menu dégustation (64 €) dont on nous prévient qu’il est servi pour la première fois ce soir-là, et qui s’avère encore vert malgré de beaux tours de main : après les mini-gougères de bienvenue et les choux de Bruxelles frits à tremper dans une mayo (dingue !) est déposée une entrée constituée de poireau au miso, tartare de bœuf et anguille ; puis une Tatin rustique à la courge et aux graines appesantie d’une crème au roquefort sans doute trop trapue ; suivie d’un couscous de la mer au mérou (plus étonnant que passionnant) et aux moules dans un très bon bouillon aux épices. Et en dessert, un mont-blanc de la maison très en sucre qu'on a eu du mal à escalader jusqu’au sommet.
Au service, c’est le fantasque et délicat Luca qui, tel un Pierrot du vin, introduit ses trouvailles du moment : tressallier de Loire salivant (13 €), assemblage rhodanien (12 €) ou canons encore plus rupins comme ce saint-romain de Frédéric Cossard (114 € la bouteille) pour les rois du pétrelle. Quoi qu’il en soit, l’une des salles les plus oniriques de Paris mérite qu’on y retourne.