Voilà donc Romain Meder (vraiment) en ses terres. Déjà, le nom Prévelle vient d’un lieu-dit près de Neurey-lès-la-Demie, son village natal en Franche-Comté. Ensuite, avec cette adresse épurée, bois et pierre, en plein quartier des ministères, le cuisinier, qu’on avait croisé au Domaine de Primard, devient enfin chef-propriétaire, totalement libre de continuer d’explorer sa cuisine empreinte de naturalité.
Une gastronomie où le zéro déchet n’est pas une posture (le premier amuse-bouche ? Une umamiesque tuile d’épluchures !), et le local de saison une évidence (Romain Meder travaille avec les mêmes producteurs dans le Perche depuis plus de 15 ans). Installé dans une petite salle du premier étage, aux airs de salle à manger de pension de famille, on s’ébroue avec l’enthousiasme d’un golden retriever dans un menu déjeuner pastoral qui conjugue le rustique et le raffiné, au présent du gustatif.
On découvre – étonné – que les asperges blanches, plus fondantes que les neiges du Kilimandjaro et iodées d’un condiment au caviar, se marient parfaitement avec la modeste mais puissante ortie (en tartare et en velouté). Puis, un homard parfaitement nacré arrive, escorté d’une émulsion de son corail, d’un prodigieux croustillant fait avec sa tête (qui mène ce grand plat vers des rivages plus bruts et canailles) et de petits pois croquants à la menthe. Les vins, aux tarifs à la hauteur des frais de bouche d’un député, explorent logiquement la biodynamie : montlouis de La Grange Tiphaine (80 €), marsannay de René Bouvier (115 €)… En dessert légumier inclassable, l’acide de la rhubarbe en plusieurs façons convole avec un sorbet livèche au goût de céleri et un granité de bourgeon boisé. Oui, on est vraiment bien chez Romain Meder.