Imperturbable aux modes, Antonin Bonnet, Cévenole aussi taciturne que talentueux, continue son apostolat gastronomique barycentré autour du produit, dans une salle aussi fantaisiste qu’un énarque sous Tranxène (parois claires, tables en enfilade et luminaires célestes). Le zigue arpente l’Hexagone à la recherche des meilleurs poissons, des viandes les plus éthiques et des plus beaux légumes. Dans sa Boucherie Grégoire voisine, il opte pour de la charcute canaille à même le billot et dans son adresse étoilée, ce capitaine au long cool cisèle des assiettes sages mais précises, prenant souvent le grappin nippon et tarifées CSP++.
Malgré le calme mozartien de ce midi-là, on entendait pépier dans l’accord mets et vins (rajoutez 50 € à la cuenta) de ce quinsou – « petit pinson » en occitan – un délicat homard bleu breizh émoustillé par des pickles de betterave pourpre (21 € de supplément à la place des Saint-Jacques malouines, on se pince !), adossé à un onctueux verre de crémant d'Alsace 2014 de Christian Binner, suivi d’une lotte des berges de Vendée au nacré palpable, chatouillée par un trio saké-yuzu-miso auquel ce catarratto sicilien apportait le gras idoine. Puis, à l'angle carné, un sensuel ris de veau fermier d'Anne-Laure Jolivet reposait sur une crème truffée subtilement liée à un jus de viande (mais à 24 € de supplément, le veau est-il d’or ?).
Enfin, restons glucides, le cheesecake à la vanille rehaussé par différentes textures d'agrumes et sirop d'hibiscus conclut brillamment ce déjeuner, bien accompagné d’un coup d’auxerrois pétillant de Christophe Lindenlaub (cuvée Tu bois quoi là, 2021). En dépit d’une addition himalayenne, le service, les produits, les cuissons valent leur pesant d’or. Et tant pis s’il ne vous reste plus qu’un sou !