Cachot bouillant ! Sur M6, la France a craqué pour ce cuisinier iconoclaste et fulgurant, sans conteste le vainqueur affectif de Top Chef 2020. Après belle lurette, ce chef faussement indolent ouvre à nouveau son terrain de jeu au public, dans le resto/loft feutré du Perchoir – en attendant de trouver un local où loger tout son talent (et sa collection de flambadous*). Accompagné par le service de velours d’Emie Wada, le menu unique servi ici avance masqué, ne divulgâchant rien à l’avance de ce qui le compose, car Adrien la joue Cachot(ier). Un pari risqué qui peut vite tourner au flou artistique… Mais rien de tout cela : le cuistot déroule un récit dînatoire palpitant du début à la fin qui intrigue sans dérouter, surprend sans esbroufe et affole le kiffomètre.
Attention spoiler ! En prologue, les “amuse-bouches” renouent avec leur sens propre, loin de leur chiantise trop habituelle : la tartelette raifort-beurre de cacahuète qui gifle et caresse, la gaufrette empuissantée d’anchois, l’huître touchée par la graisse du flambadou (mais sans Ali Badou, gloups), la tempura de langue de canard incognito dans une feuille de capucine… Une entrée en matière buissonnière et captivante, suivie d’un bouillon lait de coco-curry rouge-fraise de veau, car Adrien Cachot bicrave des assiettes bien viscères.
La suite ? Une variation suave-acide sur le butternut et une espumesque Saint-Jacques aux agrumes dans son plus simple appareil. Avant les climax du repas : le cabillaud façon pil pil basque, malin à se jeter la tête la première dans le golfe de Biscaye… Dans la foulée, on se réchauffe d’une lave pimentée de mapotofu où trône un cromesquis de cervelle, puis on roucoule d’aise avec un suprême de pigeon rôti, lubrifié de son jus et secondé d’un gnocchi aux champis.
Vers la fin débarque une insolente mousse de mont d’or et granny smith à réveiller un mort, avant le dessert de l’année : un nacho comme la braise, en version glacée, avec granité abrasif de jalapeño, guacamole et tuile de maïs incurvée – de la junk food surdouée ! Pour clore ce feuilleton à rebondissements, déboule le fameux dessert de sous-bois pollué d’un gobelet en plastique (en sucre) vu à la télé, tout en humus cacaoté. On applaudit ce dîner fleuve brillant, précis, qui ne se perd pas dans les eaux troubles du mystère.
Sur la solide carte des vins, on hésite entre un blanc de Loire d’Alexandre Bain (50 €) et un fleurie du Beaujo du Domaine de la Grand’Cour (65 €), ou alors on prend les deux – mais on peut aussi miser sur les cocktails perchés de Swann Higgins (15 €). 95 € le menu, c’est un gros billet pour un juste prix car on dîne aussi à sa faim et il y a du travail pour huit alors qu’ils ne sont que trois en cuisine. Le genre de repas qui fait date dans une mémoire de mangeur(euse) : ces abats du turfu valent bien cinq étoiles sur Tripes Advisor. C’est jusqu’en mars, foncez y cramer vos étrennes !
*Instrument de torture culinaire popularisé à la télé par Adrien Cachot