En se modernisant, le bistrot parisien s’est internationalisé. On pense à Racines, bijou de bouclard croisé avec une trattoria italienne ; au Servan, néo-troquet à moulures et inspirations philippines ; à Galerna, son zinc, ses briques et son R roulé à l’espagnole… Dans cette lignée, voici un bistrot nouveau d’influence chinoise qui porte beau ses murs de pierre grattés, tout juste sinisés de panneaux de bois laqués et de quelques luminaires en forme de pagode.
Le chef hongkongais Samuel Lee (Sen, de son prénom chinois) a quitté les cuisines cossues du Shangri-La pour le pavé de la rue Saint-Maur, où il interprète les grands classiques de la gastronomie de Canton et du Sichuan avec une maestria toute mandarinale et sans minauderie. Les bouchées vapeur siu mai, si souvent galvaudées, sont ici totalement maîtrisées avec leur farce porc-crevette dense et juteuse (9 € les deux pièces) ; le poulet frit et épicé kung pao est rendu à son rang impérial (22 €) ; le porc laqué, succulent de minimalisme, est magnifié au cognac (22 €) – à écoper d’un bol de riz (4 €) ; et le mapo tofu végétarien (relevé mais pas incendiaire) est parmi les tout meilleurs goûtés en cette année du Serpent de Bois (20 €). On reviendra le soir pour baguetter les huîtres marinées façon chao zhou (15 € les deux), ce canard laqué à commander deux jours à l’avance (ça promet !), ou une tartelette au thé et glace de sésame noir (10 €).
À boire, des vins naturels français comme ce délice de blanc savoyard des Ardoisières (12 € le verre), plus minéral en bouche qu’une sucette de schiste, des thés pu’er et des alcools chinois encore méconnus comme ce Kweichow Moutai, eau-de-vie de céréales qui fait se pâmer les connaisseurs (12 € les 4 cl). Bref, un sino-bistrot sensass !