Comme une goutte d’eau sur le crâne de Louis de Funès, le temps coule sur l’élégant gastropub à la londonienne de Théophile Pourriat et Bertrand Grébaut. Le décor, avec ses tables en épais bois patiné, ses suspensions indus’, son sol en béton ciré, inchangé depuis l’ouverture en 2011, n’a pas pris une ride. La cuisine, qui avait posé les jalons d’une bistronomie aventureuse (désormais un peu galvaudée), reste alerte avec un menu en sept temps (120 €), largement végétal, qui doit se comprendre comme une montée chromatique maîtrisée – les propositions les moins étonnantes servant de sapides marchepieds pour des assiettes véritablement extraordinaires.
Ce soir-là, on entame donc à petites foulées avec un ravier de betteraves cuites au foin et acidifiées de groseilles, puis un honnête velouté de pomme de terre à la truffe et sa brioche, avant de décoller vers les sommets : d’abord avec un plat tout en fondance de sucrine et cresson drapé dans une tranche de lard maison micrométrique, ensuite avec le mariage entre Saint-Jacques nacrées, tranche de moelle et embeurrée d’épinards. Avant, en acmé(diterranéen), un dément ris de veau grillé et harissa accompagné d’un bouillon de couscous – rappelant à quel point la cuisine du Maghreb reste sous-employée sous nos latitudes.
En duo sucré, une gentille crème de cèpe sous un granité d’orange sanguine et un potelé flan japonais et son sabayon au savagnin. Pour accéder à tout le potentiel de ces délicates assiettes, optez pour l’accord mets et vins érudit, voyageur et parfaitement calibré ; une promenade entre saké artisanal, arbois nature, rosé champenois et blanc slovène. Cela plombe la cuenta mais fait s’envoler les sensations.