Copinages et crustacés ! Ces “soces” (“potes” en langue de la zone) unis par l’amour de la bourriche, ce sont Kevin Deulio, ancien du Ritz, Marius de Ponfilly, ex-Clamato, et Adrien de Liedekerke, marchand aux puces de Saint-Ouen. Un intrépide équipage qui vient de mettre à l’eau ce resto amphibie, mi-écailler mi-bistrot, avec moulures de salon bourgeois, carrelages blancs et murs joliment burinés. La carte (marine, forcément) chante une ode à l’iode.
Dimanche midi, en tablée élargie, on se fait d’abord fouetter le sang par un plateau d’huîtres d’Isigny et d’Oléron, de praires de Blainville et d’oursins de Galice vivifiants comme une brise de force 6 sur l’échelle de Beaufort. Puis, on frétille de la nageoire caudale en terminant les pappardelles de seiche tels des rubans de soie océanique, poissées de crème de chou-fleur et peau de porc frite – un sacré bail ! S’ensuit un merlan de ligne pané au recto, qui, au verso, fait la planche dans une dinguerie de sauce maltaise (une hollandaise à l’orange), tandis qu’une canette rôtie au millimètre et lubrifiée de jus aux agrumes nous confirme que ces soces sont aussi à l’aise sur la terre ferme (à partager). On a oublié de prendre le dessert, une tarte citron-bergamote ; mais avec tout ça, on est à deux doigts de se faire tatouer un chalutier sur le cou.
Au goulot, c’est la formidable Marta Cingano qui hydrate son monde à base de vin naturel : bulle catalane du domaine Riberach (6 € le verre), irancy blanc du domaine Goisot (40 €), saumur rouge ultra-glouglou de Bobinet (25 € la bouteille)... On ne boit pas la mer mais on descend aussi des cocktails voyageurs comme une Michelada ou un irish-coffee (9 €). Soces serait-il le Clamato des Hauts de Belleville ?