On ne vient pas par hasard au Bouclard. On sait bien avant de frapper à la porte de ce lieu unique ce que l'on est venu y chercher. Du prêt-à-porter haut de gamme quasi introuvable ailleurs (ou dans quelques concept-stores parisiens triés sur le volet).
Cinq marques qui ont, pour certaines, déjà fait parler d'elles ; mais qui veulent un écrin de choix pour faire vivre leurs créations. Car chez Bouclard, on ne fait pas que distribuer de belles pièces, on accompagne les créateurs, on fabrique les produits... Rencontre avec ses deux fondateurs : Antony Le Nedic et Cécile Audouin.
Comment est né Bouclard ?
Au départ, il s'agissait d'une boutique d'achat de produits japonais. Une vraie boutique, où l'on fabriquait également quelques pièces de notre propre marque, puis on s'est rendu compte que l'on n'aimait plus le système « on achète une collection pour la recevoir 6 mois après ». Nous étions frustrés d'avoir vu le produit, de l'avoir vu et revu sur les blogs et sites Internet, sans pouvoir le proposer en boutique. Avec la crise, le principe de boutique pure et dure ne fonctionnait plus très bien, on a donc travaillé sur un concept plus proche de la fabrication et de la distribution. On essaye aujourd'hui d'avoir un temps de réaction rapide parce que quand les acheteurs voient le produit, ils le veulent maintenant, pas dans six mois ! Bouclard est ainsi devenu une boutique à la fois showroom et atelier, un concept 100 % made in France. Nos produits sont pour la plupart fabriqués dans notre atelier. Par exemple, pour Un Femme, nous achetons des bases vierges et on les transforme ici.
Comment choisissez-vous les créateurs avec qui vous travaillez ?
On fonctionne d'abord au feeling, et puis il faut aussi que l'on croie au projet. On travaille comme un label de musique. Les créateurs nous donnent une licence de marque et on s'occupe de tout, de la direction artistique, du conseil, de la distribution... L'idée étant de vraiment accompagner les créateurs. Ils restent entre trois et cinq ans avec nous.
Les prix sont assez onéreux...
Oui, on est vraiment sur du haut de gamme. La qualité du coton, de l’impression, la fabrication à Paris – ou en tout cas made in France – sont des éléments primordiaux. Alors c’est vrai qu’un t-shirt Noir Noir sera autour de 120 euros et que certaines personnes trouveront que c’est très cher alors que c’est le juste prix pour une pièce entièrement montée à Paris. Et à côté de ça, il y a des marques qui peuvent tout vendre. Ça ne choquera personne de payer un t-shirt siglé Christopher Kane à 300 euros, de payer un sac en toile cirée à prix d’or… Les gens achètent parce que ce sont des marques connues à l’international, mais ça ne suit pas derrière.
Il y a très peu de communication au sujet des matières, de la fabrication, selon vous, c'est volontaire ?
Il y a assurément une opacité entretenue, et derrière ça des consommateurs qui se font avoir. C'est d'ailleurs bien pour ça qu'elle est entretenue. Or nous, nous n'avons aucun intérêt à être opaques. Nous faisons partie des derniers artisans textiles à faire du made in France. C'est notre crédo, pas seulement un moyen de communiquer, de faire parler de nous. On ne s'amuse pas à ré-étiqueter derrière...
Aujourd'hui, il y a tellement de produits surestimés. APC, par exemple, c'est très clair, c'est fait en Tunisie, il prend des toiles japonaises, c'est un mec qui a toujours été très clair, qui a un produit au juste prix. C'est d'ailleurs un sujet sur lequel il est franc. Dans le monde de la mode, il y en a qui font des marges de martiens sur leurs produits. Il faudrait qu'il y ait une éducation du consommateur, mais c'est impossible, personne ne va jouer le jeu. La force aujourd’hui, ce n’est plus le produit, c’est le média. On l’a vu avec Hype Means Nothing. On a eu une parution presse de Rihanna avec un t-shirt de la marque et depuis c’est le bordel… Et c’est assez drôle parce que cinq jours avant la photo, les gens nous snobaient. Le produit, les gens s’en foutent. La valeur du produit est justifiée par celui qui le porte. Nous, on n'est pas du tout dans ce genre de choses, on a vraiment envie de tester des trucs, qu'il se passe quelque chose. On ne veut pas être déconnecté de la fabrication, pour nous, c'est le plus important.