Time Out Paris et la plateforme laveniradubon.fr vous font découvrir chaque mois Les Eclaireur.ses : des personnalités qui font bouger les lignes de la culture, de la gastronomie, du sport ou de l’écologie. Parmi elles, Manon Teixeira Da Silva, aka maoui2saintdenis, l’influenceuse mode éco-lol la plus rafraîchissante du Grand Paris.
Maoui, nom féminin, (très) singulier : version upcyclée et good vibes only de Manon. Que ce soit son surnom (auto-attribué) ou sa table à manger, Manon Da Silva, aka @maoui2saintdenis, a un faible pour la récup’ et le DIY. Dans son petit appart de Saint-Denis, l’influenceuse mode la plus golri du monde Reel nous reçoit sur son canap’ de seconde main, à côté d’une bibliothèque transformée par ses soins en console, d’un comptoir de cuisine home made et d’une table trouvée dans la rue.
« J’adore faire des petits travaux, c’est mon côté portugais ! », s’esclaffe-t-elle. Sur elle, en ce lundi gris, rien que des pièces vintage, joyeusement dépareillées : « C’est comme ça que je me sens bien – et unique ! Ce pantalon (une pièce d’archive Adidas Originals), je ne le verrai sur personne, et personne ne le portera comme moi ! (Rire.) » Son petit pull rayé plein de trous chopé en fripe à New York non plus.
Avant d’afficher près de 300 000 followers au compteur (tous réseaux confondus), d’être invitée aux plus grands défilés et de travailler avec les géants de la mode, Maoui partageait modestement ses tenues (très) libres et décomplexées sur Insta (elle portait des jupes sur ses pantalons AVANT que ça ne soit à nouveau légalisé par la fashion police), tout en travaillant comme conceptrice-rédactrice puis social media manager pour une grosse société. Jusqu’à ce qu’elle poste, en plein Covid, une vidéo aux faux airs de sketch dans laquelle elle se présente comme « une daronne bobo des Batignolles qui rentre du marché. » Trois millions de vues plus tard, le concept est lancé : Maoui partage désormais ses outfits comme autant de personnages comiques et décalés.
Pourquoi ça fonctionne ? Parce que ça lui plaît : « J’adore écrire, c’est mon métier. Et j’ai adoré faire vivre ces sketchs. Je me suis dit : ‘Génial, ça me permet de lier l’humour et la mode, et de donner un visage vraiment humain à ce monde, de le rendre plus accessible. » Un projet qui contraste avec le milieu de la mode, ce qui attire rapidement l’attention : « J’ai grandi à Meaux, dans le 77, et de ma campagne, j’avais l’impression que la mode était un milieu très froid, protégé par une vitrine, que je ne pourrais pas atteindre sans me transformer. Le fait d’avoir percé avec mes blagues de beauf, en parlant de cul ou de mes ex et en restant moi-même, c’est une immense fierté. Même si je garde un gros syndrome de l’imposteur. »
Son style ? Impossible à définir. A part peut-être en évoquant le patchwork, la superposition. Il faut de tout pour faire une Maoui : un côté gangsta, des réminiscences émo-punk, l’influence boujee des années Gossip Girl, son amour du rock et de la culture skate… Un drôle d’assemblage qui ne ressemble à rien – à part à elle-même. Evidemment, ça ne plaît pas à tout le monde. « Les mauvais commentaires, ça ne m’a jamais vraiment atteinte. Parce qu’à partir du moment où Jean-François du 94 n’aime pas ma tenue, c’est qu’il y a de fortes chances que je sois bien habillée ! (Rire.) » L’important, c’est de faire ce qui lui plaît, et pour ça aussi, Maoui a bricolé un slogan : « On s’habille comme on veut, nique les rageux ! »
Le vintage, écho de sa nostalgie
Si elle accepte aujourd’hui des contrats avec The Kooples (un fantasme d’adolescente), tout en gardant un gros penchant pour le vintage, c’est par nostalgie dans les deux cas : « C’est un sentiment qui me réconforte, une forme de mélancolie douce. De la même manière que je me sens bien en réécoutant mes groupes préférés du lycée, comme Oasis ou Skip The Use, je me sens bien dans la seconde main. Et puis je crois fort dans l’idée de la transmission, des transferts d’énergie, les cailloux, tout ça. (Rire.) J’adore le fait que mon vêtement a vécu une autre vie, ça lui donne du cachet. Mes bijoux, par exemple, c’est presque uniquement des bijoux de famille, comme cette chevalière de mon arrière-grand-père. »
La mode de demain, c’est celle d’hier ? « C’est clair. » Comme un éternel retour, nos envies sont cycliques : « On revient aux années 2000 depuis un moment, on redécouvre la période High School Musical. Récemment, j’ai shoppé des pirate boots de Vivienne Westwood, celles que portait Kate Moss à l’époque où, petite, je ne voyais la mode qu’à travers mes magazines. Aller vers le vintage, finalement, ça me permet aussi de devenir l’adolescente que je n’ai pas pu être à l’époque. A l’inverse, la fast fashion est très ancrée dans le présent, tout est super codé : il y a toujours cette pression du ‘maintenant’. Il faut porter telle pièce tout de suite parce que c’est une pièce forte aujourd’hui. Demain, on passera à autre chose. »
Si son métier d’influenceuse, dont elle vit depuis un an, l’amène à travailler avec des marques qui ne sont pas toujours irréprochables, elle n’en fait pas un drame. Pour elle, tout est question d’équilibre :
« A un moment, j’étais full écoresponsable : je faisais ma lessive moi-même (mes fringues puaient la mort), je fabriquais mon déo, ça m’avait fait des rougeurs, j’étais complètement brûlée ! Et puis j’ai arrêté de m'autoflageller, je fais ce que je peux, à mon rythme, et selon mes moyens. Sinon, ça devient contre productif. »
Un nouveau format pour les petits créateurs
Elle continue en parallèle d’utiliser sa force de frappe digitale pour faire la promo de “petits créateurs” tenants d’une mode consciente et raisonnée avec un nouveau format vidéo, “Maouishlist”. « L’idée, c’est de mettre en avant les créateurs qui n’ont pas forcément l’argent pour payer de la com’ ou des influenceurs. Des gens qui ne peuvent compter que sur leurs valeurs, dans lesquelles je me reconnais. Si je peux leur donner ne serait-ce qu’un peu de visibilité, c’est ouf. Ça ne sera pas forcément que des designers ou de la mode, je voudrais l’élargir à tout plein de choses, à des associations ou à des chefs, des gens qui se démerdent quoi ! »
Une bonne manière de répandre l’esprit de Noël sur les réseaux ! Et d’ailleurs, il y a quoi dans la wishlist de Maoui cette année ? « J’adore les surprises et les trucs improbables ! Tout le monde galère pour me trouver des cadeaux ‘parce que t’es influenceuse, tu reçois tout !’ Du coup, l’an dernier, j’ai reçu un Swiffer électrique… Mais il est trop stylé, je l’adore ! », dit-elle avec des étoiles dans les yeux. « Bon, cette année, j’ai demandé un lecteur vinyle. »
Mais le meilleur cadeau, il est évidemment fait maison : « Ce que je préfère à Noël, ce sont les gros paquets que me fait ma grand-mère : elle me met des bonnes pâtes (sans gluten), des bonnes sauces, de l’huile d’olive, des brioches vendéennes… J’adore ! »